Les inconditionnels du « Seigneur des Anneaux » connaissent bien la créature rachitique, inquiète et vicieuse qui a pour nom Gollum. Cet être malingre, qui ne prend aucun soin de sa personne et que Tolkien décrit comme « une créature errante aussi détestable par son apparence que par ses comportements », est assurément « dérangé ». Mais est-il pour autant malade ?
Aidés d'un gérontopsychiatre, des étudiants en médecine londoniens ont étudié les particularités physiques et le comportement de Gollum.
Une multiplicité de troubles.
Une lésion organique telle qu'une tumeur cérébrale a d'emblée été exclue, à cause de l'ancienneté des « symptômes ». En revanche, en se fondant sur le fait que Gollum se nourrit exclusivement de poisson cru, les auteurs ont estimé qu'il pouvait être affecté d'une carence en vitamine B12, susceptible d'expliquer l'irritabilité, les hallucinations et les réactions paranoïaques. A cela s'ajouterait éventuellement une anémie ferriprive, rendant compte de l'apparence cachectique de Gollum, de l'alopécie sévère et du peu d'appétit.
Mais l'inventaire ne s'arrête pas là. Les auteurs notent que la maigreur du personnage s'accompagne d'une exophtalmie et d'un faible besoin de sommeil, en faveur d'une hyperthyroïdie. L'aversion que manifeste constamment Gollum pour la lumière solaire pourrait, par ailleurs, traduire une photosensibilité liée à une porphyrie, les fréquentes périodes de jeûne forcé étant responsables de crises porphyriques s'accompagnant de psychose paranoïde.
Les auteurs en arrivent, là, à la partie peut-être la plus intéressante de leur analyse, car elle porte sur le comportement psychique de Gollum. Nadia Bashir et ses collègues ont demandé à trente étudiants en médecine si, selon eux, Gollum souffrait d'une affection psychiatrique. La majorité des étudiants interrogés a estimé qu'il présentait un tableau en faveur d'une schizophrénie. Trois étudiants seulement ont opté pour un syndrome de personnalités multiples.
Un trouble psychiatrique, mais lequel ?
En première analyse, le diagnostic de schizophrénie semble pertinent. Les hallucinations du schizophrène sont sous-tendues par des convictions inébranlables qui n'en sont pas moins erronées. Or les troubles manifestés par Gollum sont provoqués par l'Anneau, dont le pouvoir est bien réel puisqu'il induit les mêmes symptômes chez tous ceux qui entrent en sa possession. De fait, le personnage ne satisfait pas aux critères diagnostiques de l'ICD-10 sur la schizophrénie.
S'agissant du syndrome de personnalités multiples, il est a priori concevable, au vu du dédoublement de personnalité entre Sméagol, le Gentil, et Gollum, le Malveillant. Toutefois, dans ce syndrome, les deux personnalités s'occultent à tour de rôle et chacune d'elles ignore l'existence de l'autre, alors que les deux personnalités de Gollum/Sméagol se manifestent concurremment, sont conscientes de l'existence l'une de l'autre et dialoguent entre elles.
En revanche, Gollum répond à sept des neuf critères définissant la personnalité schizoïde (ICD F60 1). Il a présenté, dès son enfance, un comportement inadapté ; sa bizarrerie jointe à sa méchanceté teintée de rancœur l'ont non seulement empêché de nouer des amitiés, mais ont été sources de maux pour ceux qui ont croisé son chemin.
Pour les auteurs, il ne fait donc aucun doute que Gollum souffre de personnalité schizoïde. Nous étions déjà enclins à lui trouver des circonstances atténuantes pour ses traîtrises ; devons-nous désormais lui donner l'absolution ?
Une question plus intéressante mériterait d'être approfondie : en créant ce personnage, Tolkien a-t-il simplement donné libre cours à son imaginaire ou a-t-il construit son profil psychocomportemental en s'inspirant d'individus psychiatriques qu'il a réellement connus ?
Bashir N. et coll, « BMJ », vol. 329, 18-25 décembre 2004, pp. 1435-1436.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature