Hématologie

La percée de l’immunothérapie

Publié le 06/12/2014
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Des innovations thérapeutiques présentées au cours de cette 56e édition de l’ASH (San Francisco, 6-9 décembre 2014) apparaissent dans tous les domaines des maladies hématologiques. Les prises en charge depuis le diagnostic jusqu’à l’identification de facteurs pronostiques sont bousculées dans les principales pathologies. Mais l’accessibilité même aux nouveaux traitements liée à des protocoles exigeants et à des coûts très élevés est posée à nos systèmes de santé. Retour de l’ASH avec l’exemple du myélome multiple.

Dans tous les domaines de l’oncohématologie, l’identification des mutations s’impose parce qu’elle explique les non-réponses aux traitements. Les nouvelles associations de médicaments dominent partout. Le myélome en est un exemple. Il constitue le deuxième cancer hématologique avec quatre nouveaux cas par an pour 100 000 habitants et tient une place unique en hématologie, selon la conférence inaugurale du Pr Jésus San Miguel de Pampelune (Espagne). « Le myélome multiple est unique et particulier pour comprendre les mécanismes d’évolution de la maladie cancéreuse. Dans cette maladie très grave », poursuit le spécialiste, « le rapport entre les cellules du plasma et leur microenvironnement est caractéristique ». D’où le nombre de nouveaux traitements en cours et la nécessité d’avoir de meilleurs outils de pilotage des traitements. De son côté, le président de la Haute Autorité de santé et hématologue, le Pr Jean Luc Harousseau en fait « un modèle d’evidence-based medecine et de qualité de la prise en charge ».

Traitements intensifs

Si le myélome reste une maladie douloureuse et très invalidante, les évolutions sont considérables depuis les années quatre-vingt-dix. Ces progrès tiennent à la mise en place de traitements intensifs avec des chimiothérapies lourdes associées à des autogreffes de cellules hématopoïétiques du malade. Plus « on tape fort, mieux ça marche », dit sans ambages le Pr Jean-Luc Harousseau qui fut avec ses équipes nantaises le grand spécialiste international du myélome avant de devenir le président de la Haute Autorité de santé. Jean-Luc Harousseau a, en particulier, créé l’Intergroupe français du myélome qui reste une référence par les coopérations internationales créées et la qualité des essais randomisés qui se sont multipliés. Mais dans cette terrible maladie, les malades rechutent et finissent par décéder. Aux alentours des années 2000, les progrès deviennent manifestes dans la compréhension de la maladie et de ses mécanismes physiopathologiques. « On a découvert les éléments génétiques de la maladie et on a mieux compris les mécanismes malins grâce à la génétique moléculaire », poursuit l’hématologue français. Parallèlement, les molécules tels le thalidomide et d’autres produits plus récents comme le lénalidomide, le pomalidomide et les inhibiteurs de proteasome (bortezomid et carfilzomib) s’avèrent efficaces. Pour l’avenir, les anticorps dirigés contre le plasmocyte et l’arrivée de nouvelles molécules transforment les perspectives thérapeutiques. « Le pronostic est passé à six et dix ans et il y a des possibilités de guérison en vue. On a notamment rattrapé les retards pour les sujets âgés qui ne pouvaient recevoir ces traitements agressifs », précise Jean Luc Harousseau.

Nouvelles frontières

Depuis quelques temps, avec les nouveaux traitements, les doses intensives ne sont peut-être plus aussi nécessaires. Les associations de plusieurs molécules s’avèrent très coûteuses. Les rechutes restent la grande question qui se pose à tous les hématologues. Faut-il mieux maintenir des traitements prolongés plus modérés et donc mieux supportés par les malades ou appliquer des traitements plus courts et intensifs ? La question de l’allogreffe elle-même se pose pour les formes très graves et les rechutes même si, dans le myélome, elle reste assez rare car dangereuse par ses effets délétères. « Il nous faut aussi préciser, souligne Jean-Luc Harousseau, le niveau de réduction de masse mesurable de la maladie que nous devons atteindre, ainsi que la question des moyens pour parvenir à une rémission prolongée voire complète. » Tout cela est encore en discussion et n’est pas résolu. Mais le petit pourcentage de patients qui peuvent guérir est encourageant. « Notre démarche est de trouver un équilibre entre l’efficacité, la toxicité et le coût compatible avec le but ultime de guérir cette maladie », a déclaré le Pr San Miguel, très applaudi par les 25 000 congressistes.

Pascal Maurel, en direct de San Francisco.

Source : Décision Santé: 299