Les défis qui se lancent aujourd’hui sur les réseaux sociaux permettent la diffusion rapide de “jeux” parfois dangereux qui échappent à la vigilance des adultes, peu avertis sur les pratiques et les contenus en ligne. Réunis à Paris aux Rencontres de pédiatrie pratique (26 au 27 janvier 2018), les pédiatres se sont penchés sur ces pratiques parfois dangereuses, à l’origine d’une nouvelle sémiologie qu’il convient de connaître.
Proche du célèbre jeu du foulard, le jeu de la tomate est le maintien d’une apnée à glotte fermée. Dans son travail de thèse, le Dr Caroline Cortey des urgences pédiatriques de Toulouse a relevé que 40 % des enfants de CE1-CE2 y avaient joué ≥ 1 fois. Ces pratiques asphyxiques existent en réalité dès la maternelle… Aux urgences, elles doivent être évoquées devant un malaise avec ou sans perte de connaissance, une confusion, des vertiges ou troubles visuels persistants, des céphalées, parfois une indifférence. La pratique peut être répétitive, quotidienne dans 7 % des cas : c’est l’hypoxiphilie, véritable addiction sans drogue, qui peut toucher tous les enfants, sans distinction de sexe, d’origine sociale ou de réussite scolaire.
Souvent, après avoir relevé le challenge, le participant doit nommer plusieurs de ses “amis” qui ont un délai court pour réaliser à leur tour le défi.
Informer les enfants ne leur révèle pas d’envie de jouer. Au contraire, le risque vital des pratiques asphyxiques est connu par 76 % des non-pratiquants contre 48 % des pratiquants. Mais qui doit mettre en place cette prévention ? Pour le Dr Cortey, elle serait plus facile et plus efficace en milieu scolaire, car les enfants sont entre pairs. Dans sa région, ont été proposées des initiatives impliquant les professeurs et le rectorat. Le travail du Dr Cortey s’est poursuivi par une expérimentation auprès du SAMU, des enseignants, proviseurs, infirmiers scolaires et des familles. « Tous les parents pensent que leur enfant est suffisamment mûr pour ne pas être concerné », soupire Françoise Cochet, présidente de l’APEAS (Association de parents d'enfants accidentés par strangulation).
Ice and Salt Challenge, jeu du piment etc.
Les jeux dangereux peuvent créer des lésions cutanées atypiques, source d’errance diagnostique : c’est le cas des lésions liées à l’application de glace (Ice and Salt Challenge), au gaz pressurisé (jeu du déodorant) voire à l’enflammement de substances étalées sur le corps (fire challenge). Dans l’Ice and Salt Challenge, l’adolescent applique du sel puis des glaçons sur sa peau et s’efforce de résister à la douleur le plus longtemps possible. Le risque est celui de brûlures du 1er ou 2e degré.
Le déodorant peut aussi être inhalé à travers un tissu, dans le but de modifier la voix et d’éprouver des sensations en lien avec l’hypoxémie, parfois jusqu’au malaise (cinq décès répertoriés en France). Certains adolescents peuvent également développer des conduites addictives.
Dans le jeu du piment (Cinnamon Challenge), l’enfant mange une cuiller de poudre de cannelle (qui sera essentiellement inhalée), déclenchant un accès de toux
sévère. Une publication rapporte un cas qui a dû bénéficier de plusieurs jours de
ventilation mécanique.
Un purpura factice du menton ou des lésions des lèvres, parfois sévères, évoquent le jeu du verre ou le Kylie Jenner Lip Challenge. Le but est de décupler le volume de ses lèvres en aspirant l'air à l'intérieur d'un verre, puis de poster sa photo sur les réseaux sociaux.
Dans la Neknomination – de l'anglais neck your drink (boire cul-sec) –, l’adolescent se filme en buvant rapidement un alcool fort, puis encourage ses amis à faire de même. Les quantités peuvent aller jusqu’à 300 grammes d’alcool ; plusieurs décès ont été notifiés en quelques mois en Grande-Bretagne, via des noyades, des chutes, du car/train surfing (se tenir debout sur une voiture ou un train en marche) ou le Chicken Subway : les jeunes s’allongent sur les rails du métro à l’approche, le dernier qui remonte sur le quai a gagné.
Internet peut aussi inciter les jeunes au mésusage de psychotropes : hypnotiques dans le jeu de l’insomnie ; codéine et anti-H1 dans le purple drank qui procure une sensation d’ivresse et d’euphorie, mais au risque de convulsion, de dépendance et de décès par overdose.
Si les plus jeunes “jouent” par imitation, la démarche des adolescents s’inscrit davantage dans la transgression ou la quête identitaire. Il existe parfois des troubles de la personnalité ou une souffrance sous-jacente, notamment chez les victimes du Blue Whale Challenge, sordide série de 50 défis dont le dernier consiste à se suicider. Le site de l’APEAS peut aider les praticiens à connaître ces pratiques changeantes et à mettre en place des outils de prévention.
Les dernières pratiques de loisirs à la mode
Dans le sillage de l'Académie américaine de pédiatrie qui alertait en 2012 sur les risques liés à l’usage du trampoline de jardin qu’elle qualifiait d’équipement intrinsèquement dangereux, les pédiatres ont aussi pointé le risque de cette pratique de loisirs.
En effet, chez les moins de six ans, les accidents de trampoline vus aux urgences sont 15 fois plus fréquents qu’il y a 10 ans. À cet âge, il existe un profil lésionnel spécifique lié à la réception “bras tendus” lors d’une chute (le plus souvent sur la toile du trampoline elle-même) : les fractures du membre supérieur, au niveau du cartilage de croissance, sont particulièrement représentées.
Les fabricants spécifient généralement que le trampoline ne doit pas être utilisé avant 6 ans : pourtant, ces enfants représentent 43 % des accidentés. Dans tous les cas, rappelons qu’un seul enfant à la fois peut jouer sur le trampoline (les ¾ des accidents surviennent quand plusieurs personnes jouent) et toujours sous la supervision d’un adulte, qu’il faut limiter le temps de jeu, proscrire les sauts périlleux et ne pas sauter pour descendre du trampoline.
Parmi les autres pratiques à la mode mais non réglementées, l’hoverboard est un nouveau pourvoyeur d’accidents, notamment chez les garçons de 10-12 ans : fractures du scaphoïde ou de l’extrémité distale du radius, brûlures liées à des batteries défectueuses et fractures des phalanges par entrapment entre la roue et le garde-boue.
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