A LORS que les dépenses d'assurance-maladie ont continué, ces derniers mois, à croître au rythme de l'ordre de 5 % l'an, nettement supérieur à l'objectif de 3,5 % fixé par le Parlement, une étude publiée par deux experts du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Catherine Bac et Gérard Cornilleau, apporte une éclairage intéressant sur les évolutions à moyen terme des dépenses de santé dans les pays industrialisés.
Passant en revue la situation dans sept pays (l'Allemagne, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni), ce document souligne deux tendances lourdes.
D'abord, notent les auteurs, la part des dépenses de santé dans le PIB n'a cessé d'augmenter dans tous ces pays entre 1970 et 1999 : elle est passé de 7,1 % à 13,7 % aux Etats-Unis, de 5,8 % à 9,5 % en France, de 6,3 % à 10,5 % en Allemagne et de 4,5 % à 7 % au Royaume-Uni.
Un seul pays fait exception à cette tendance : les Pays-Bas, dont la part des dépenses de santé dans la richesse nationale a régressé, tombant de 8,8 % en 1990 à 8,6 % en 1998.
De tous les pays étudiés, c'est le Royaume-Uni qui dépense le moins pour la santé. Avec les conséquences que l'on sait pour National Health System dont l'état calamiteux est devenu l'un des principaux enjeux des élections du 7 juin.
Deuxième évolution notable, rappelée par cette étude : pour être soutenue, la croissance des dépenses de santé est moins forte aujourd'hui que dans les années 1970 : la hausse des dépenses qui était, en France, de 6,7 % par an en moyenne (hors inflation) dans les années soixante-dix est tombée à 3 % dans les années quatre-vingt-dix. La même décélération est enregistrée en Allemagne (où le taux moyen annuel d'augmentation est passé de 6,5 % à 5,4 %) et aux Etats-Unis (où il est tombé de 5,4 % à 4,2 %).
Comment les dépenses de santé vont-elles évoluer ? Les simulations faites par les auteurs de cette analyse indiquent que, dans l'hypothèse - très optimiste il est vrai - d'une hausse annuelle du PIB de 3 % par an, le taux de croissance des dépenses de santé pourrait varier entre 5,6 % par an en Espagne et 1 % par an aux Etats-Unis. « Pour la France, écrivent-ils, la tendance sous-jacente qui correspond bien sûr à une évolution hors actions complémentaires de maîtrise des dépenses, pourrait être comprise entre 2,9 % et 3,7 %. »
L'effet démographique
En ce qui concerne la part des dépenses de santé dans la richesse nationale, et toujours dans l'hypothsèe d'une hausse du PIB de 3 % par an, la tendance spontanée serait, pour la France, à une augmentation comprise entre 0,04 % et 0,1 % par an. Si l'on retient le pourcentage haut de cette fourchette, les dépenses de santé qui représentaient en 1999 9,5 % du PIB français pourraient atteindre ou dépasser le seuil des 10 % en 2004.
Sur les origines de la hausse - fût-elle moins importante aujourd'hui - des dépenses de santé, les experts du ministère de l'Emploi et de la Solidarité attirent l'attention sur le rôle des facteurs démographiques : « S'ils n'expliquent au total qu'une part limitée de la croissance des dépenses de santé, les facteurs démographiques ne sont pas pour autant négligeables ; or ils sont très souvent omis dans les études de court terme. » Une omission d'autant plus déplorable que, dans la plupart des pays étudiés, ces facteurs peuvent contribuer à faire augmenter de 1 % par an en volume (c'est-à-dire hors inflation) les dépenses de santé. Aux Etats-Unis, ces facteurs entraîneraient même une hausse de 1,3 % par an. L'effet démographie a en fait deux composantes : l'augmentation de la population globale et le vieillissement de la population. En France, ces deux composantes interviennent, aujourd'hui, à part égale dans la hausse des dépenses de santé et sont chacune à l'origine d'une augmentation en volume de 0,5 % par an des dépenses. Voilà quelques années, entre 1970 et 1979, la situation était sensiblement différente et la composante augmentation totale de la population (et donc du nombre de malades potentiels) jouait dans la hausse des dépenses un rôle beaucoup plus important que le facteur vieillissement.
Spécificité française
Analysant l'évolution des dépenses de santé, non pas de manière globale mais par habitant et en données corrigées du vieillissement de la population, les auteurs constatent que « la France occupe une position un peu à part, puisqu'elle a connu une croissance plus vive que les autres pays comparables d'Europe ». Cette croissance des dépenses a en effet été en moyenne de 2,4 % par an entre 1990 et 1996 contre 1,3 % en Allemagne, 1,9 % aux Pays-Bas, 1 % en Italie. « Il subsisterait donc, indique cette étude, une tendance structurelle à une croissance plus rapide de dépenses en France relativement aux autres pays. »
Les auteurs de cette analyse soulignent par ailleurs, que l'évolution des dépenses dans les pays étudiés se caractérise par « deux grandes convergences : le déclin des dépenses hospitalières et la montée du médicament ».
Enfin, en ce qui concerne les effets respectifs de la hausse des prix et de l'augmentation des volumes sur l'évolution des dépenses de santé, les auteurs insistent sur la diversité des situations d'un pays à l'autre. « En France, notent-ils, l'essentiel de la hausse de la part des dépenses de santé dans le PIB découle de la croissance du volume alors que les prix relatifs ont contribué à réduire cette hausse. » Une situation opposée à celle qui prévaut aux Etats-Unis où « la croissance du volume des dépenses est restée contenue et n'a pas contribué à augmenter la part des dépenses de santé dans le PIB » et où la hausse des dépenses s'explique essentiellement par « la dérive continue et rapide du prix de la santé ». Analysant ces liens entre effet volume et effet prix, l'étude note que « la quantité de médicaments consommée peut être stimulée par des prix bas, surtout si une part du financement est à la charge des ménages ; de même les pratiques médicales peuvent être influencées par le niveau plus ou moins élevé de la rémunération des actes ». Une remarque qui mettra du baume au cur de ceux qui militent pour une meilleure rémuénration des actes médicaux et qui soulignent qu'une revalorisation des tarifs des médecins n'aurait pas forcement un effet négatif sur les dépenses de santé.
(1) Comparaison international des dépenses de santé, par Catherine Bac et Gérard Cornilleau. Dossiers solidarité et santé. N° 1, janvier-mars 2001.
Taux de croissance des dépenses de santé déflatées par le prix du PIB
en %
.
Taux de croissance
annuels moyensAlemagne (a)EspagneEtats-UnisFranceItaliePays-BasRoyaume-Uni
.
1970-1980 6,57,85,46,76,74,4 (b)4,2
1980-1990 2,05,56,74,24,42,43,0
1990-1999 (c)5,43,24,23,02,73,14,1
.
Part des dépenses de santé dans le PIB
.
19706,33,77,15,85,27,5 (d)4,5
19808,85,68,97,47,08,35,7
19908,76,912,48,88,18,86,à
199910,57,1 ()13,79,58,48,6 (e)7,0
.
a) Allemagne de l'Ouest de 1970 à 1990 ;
b) 1972)1980 pour les Pays-Bas ;
c) 1990-1998 pour l'Espagne et les Pays-Bas ;
d) 1972 ;
e) 1998.
Sources : OCDE, Eco-santé 2000, calculs DREES.
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