La parole aux usagers lors des états généraux de la naissance

Publié le 10/06/2003
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Lors des états généraux de la naissance organisés par le ministère de la Santé (« le Quotidien » du 6 juin), parole a été donnée, une fois n'est pas coutume, aux usagers des maternités. Pour quelques heures, les obstétriciens, les sages-femmes, les pédiatres, les anesthésistes... ont cédé la place aux parents.

« Avant de parler de "périnatalité", parlons de la naissance dans ses dimensions humaine, sociale, culturelle », a plaidé Anne Dusart, porte-parole du collectif interassociatif de la naissance. Les pères et les mères auraient donc des attentes. Etre en sécurité, être informés, être en confiance. « La naissance, c'est tout sauf un acte technique », a appuyé Anne Dusart. « Il faudrait cesser de développer un modèle "type" ou "standard" de naissance et admettre et organiser les alternatives aussi bien en dehors de l'hôpital (maison de naissance, domicile) que dans l'hôpital (salle nature, baignoire, déambulation...) ». Le collectif a par ailleurs dénoncé le maillage « totalement inégal » du territoire français par les maternités.
La question des restructurations des établissements est alors devenue inévitable : « La fermeture de nombreuses structures, l'absence de maisons de naissance et la quasi-impossibilité d'accoucher à domicile entraînent une perte avérée de chance pour des centaines de femmes qui sont à plus d'une heure de route des soins que peut nécessiter leur état. »

L'angoisse des parturientes

Les associations de parents regrettent également la « médicalisation systématique et excessive » qui implique, à leurs yeux, des effets iatrogènes. La péridurale leur semble s'imposer comme le seul recours. « Sans parler du recours abusif à la césarienne. »
Conscients de la pression médico-légale subie par les professionnels de santé, les parents craignent que « les pratiques soient de moins en moins liées à une légitimité scientifique ». Au bout du compte, les parents réclament la mise en place pleine et entière d'une « démocratie sanitaire telle qu'elle est prévue par la loi du 4 mars 2002 ».
Béatrice Jacques, sociologue à l'université Victor-Segalen de Bordeaux, a présenté son travail sur la maternité en France. Ses études confirment l'angoisse des parturientes, qui semble parfois sous-estimée par les professionnels. Pour gérer leur sentiment d'insécurité, « les femmes enceintes acceptent facilement de respecter (les normes biomédicales)  », précise Béatrice Jacques. Les techniques occupent visiblement une place importante « dans l'expérience des femmes », qui prennent d'ailleurs les nouvelles technologies comme des signes de progrès. La technicité est d'ailleurs l'un des critères cités par les femmes pour définir la compétence du soignant. Critère nécessaire mais pas suffisant. En effet, « les femmes recherchent dans leur relation avec le médecin quelqu'un pour les rassurer, les écouter ». Or le professionnel, dans le contexte médico-légal actuel, a tendance à privilégier l'un ou l'autre de ces aspects.
« L'opinion des usagers est trop peu souvent entendue », a convenu le Dr Michel Tournaire, du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français). « Il y a un chemin à parcourir. C'est l'une des raisons d'être de ces états généraux. »

Audrey BUSSIERE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7350