A L'OCCASION de ses deux journées annuelles ouvertes au public, le Comité consultatif national d'éthique (Ccne) a choisi de donner la parole à des élèves de collège et de lycée venus de toute la France. Au centre de la tribune du grand amphithéâtre de l'université René-Descartes (Paris-V), les élèves ont exposé leurs travaux sur des sujets aussi complexes que le déterminisme des comportements, l'évolution de la frontière homme/animal, les animaux transgéniques, la performance, l'anonymat et la procréation et le refus de traitement.
Quatre élèves de terminale scientifique du lycée international de Saint-Germain-en-Laye (78), Anne Cachat, Domitille Erard, Morgane Goavec et Quentin Lambert, se sont attelés à l'épineuse question de l'euthanasie. Devant l'ambiguïté du terme et l'hypocrite distinction passive-active, les lycéens ont retenu, en introduction, une définition « qui nous apparaît comme la plus simple possible : il s'agit d'un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances ». Ils ont ensuite choisi de se mettre en situation en distinguant quatre cas « qui illustrent la complexité du problème » : la réanimation néonatale, les conséquences d'un accident grave, la phase terminale d'un cancer et les personnes âgées dépendantes.
Sur la réanimation néonatale, « la difficulté de la situation réside dans le fait qu'un diagnostic évaluant la gravité des séquelles ne peut pas être précis, soulignent les élèves. Les conséquences à long terme ne sont donc pas toutes connues. » Dans le deuxième cas, l'accident grave, comme celui de Vincent Humbert, les lycéens relèvent l'existence de souffrances physiques mais aussi les souffrances morales, subjectives. « Le rôle d'un médecin serait de sauver les vies, poursuivent-ils. Mais ici, plusieurs questions se posent. Toute vie vaut-elle la peine d'être vécue ? Est-ce une vie de rester immobilisé pendant des années ? Comment juger les qualités d'une vie? »
Il y a la troisième situation, celle où le malade est irrémédiablement condamné. « Trois voies peuvent alors être adoptées, en concertation avec le médecin, envisagent les jeunes. Un acharnement thérapeutique, qui peut sembler vain et coûteux, bien qu'il représente souvent le dernier espoir du malade ; l'usage de soins palliatifs dans le but d'amoindrir les souffrances du patient dans l'attente de l'inéluctable (cela peut être long et n'épargne pas la douleur psychologique du malade, précisent les élèves ) ; en finir au plus vite et accélérer la venue de la mort. » Enfin, le quatrième cas envisagé est celui des personnes âgées dépendantes « qui préfèrent mourir dignement que mourir en souffrant, affaiblies par l'âge ».
Responsabilité collégiale.
Les lycéens ont décortiqué la problématique de la responsabilité en trois questions - qui demande (l'euthanasie), qui décide, qui agit - pour chaque cas étudié. La volonté du malade prime : si les élèves ne se risquent pas à répondre à la question « Est-on propriétaire de sa vie? », ils estiment toutefois que « chaque personne peut envisager sa vie ». Et si la parole du malade ne peut être entendue, pour cause de coma par exemple, les élèves retiennent l'idée de collégialité : entre les parents qui souffrent devant la détresse de leur nouveau-né, entre les médecins qui peuvent le mieux juger d'une situation médicale, entre la famille qui assume le soutien psychologique, il faut ensemble affronter les situations. Il doit y avoir une réponse sociale, plaident-ils en filigrane, évoquant « les sentiments de culpabilité » de la personne qui agit illégalement. A pas de velours, les lycéens avancent sur un sujet glissant, regrettant qu'il n'y ait pas de position commune au sein de l'Union européenne. « En France et dans plusieurs pays de l'Union européenne, on constate une réticence à légiférer sur le statut de l'euthanasie, pourtant pratiquée de façon clandestine », soulignent les lycéens. Pour eux, l'enjeu de l'euthanasie réside « dans la conception que nous nous faisons de la vie. Auparavant, on se posait surtout la question du respect de celle-ci, tandis qu'aujourd'hui le débat tourne autour de la qualité de cette vie ». Et de conclure : « On cherche à mettre de la raison dans un domaine qui tient de la passion, à savoir de la souffrance mais aussi de l'affectivité. Or l'affectivité peut s'opposer au raisonnable. Quelles sont donc les limites? » Les quatre lycéens ne proposent pas de réponse à des questions que les sages du Ccne n'ont pas su résoudre eux-mêmes. Mais ils livrent un questionnement éthique irréprochable. Heureux Didier Sicard qui, en tant que président du Ccne, a trouvé dans ce jeune public un vivier de nouveaux membres.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature