Bien qu'il ait été relativement épargné par les syndicats de travailleurs, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est confronté à tant de difficultés (déficit budgétaire, politique économique contestée, popularité en forte baisse, incapacité à freiner les dépenses d'assurance-maladie) que la crise sociale lui pose maintenant un problème politique.
D'aucuns, se fondant sans doute sur les sondages d'opinion, voient déjà M. Raffarin sur le départ et l'un de ses rivaux potentiels prendre sa place. Le chef de l'Etat en aurait conçu une vive colère. Sa fidélité à M. Raffarin est d'autant plus remarquable que le chef du gouvernement l'entraîne dans sa chute et que la cote du président est elle-même affectée par la désaffection du public. Le fond de l'affaire, c'est que M. Raffarin n'a pas convaincu les Français ; il ne les a pas convaincus sur la réforme de la retraite, même si elle est désormais en vigueur ; et pas davantage sur sa politique économique : le cas de ce gouvernement qui offre, année après année, une réduction de l'impôt sur le revenu et n'en retire aucune gratitude est à mettre dans les annales. Les Français n'y croient pas, peut-être parce que, après tout, ils savent eux aussi faire des comptes, et qu'ils ne voient pas, par exemple, comment ils pourraient conserver en l'état leur système de soins s'ils ne paient pas davantage.
Les sondages d'opinion montrent d'ailleurs que les concitoyens de M. Raffarin sont disposés à payer plus pour leur assurance-maladie. Et, dans l'esprit des Français, cela signifie une hausse de la CSG. Le gouvernement tente désespérément d'échapper au cycle infernal qui fait que les dépenses maladie augmentent et que les cotisations augmentent dans la foulée. Il a raison de penser que ce n'est pas sain et qu'on ne peut pas accorder à la santé une part croissante de la richesse nationale, car plus cette part grandit, moins il y aura d'argent pour les autres projets nationaux, comme l'Education.
Il lui est donc extrêmement difficile d'expliquer au peuple que, pour briser le cercle dépenses-hausse des prélèvements, il faut, au moins partiellement, s'en remettre au marché et financer le système de soins non pas par une hausse des cotisations, mais par une augmentation de la part laissée aux mutuelles (lesquelles procéderont à leur propre hausse de cotisations) ou au consommateur de soins lui-même.
C'est compliqué. Et le discours de l'opposition est plus simple à entendre. Comme de toute façon il s'agit de payer plus, les Français, qui sont en définitive très conservateurs, préféreraient une hausse de la CSG, à laquelle la gauche, si elle était au pouvoir, procéderait immédiatement, tout en repoussant la baisse de l'impôt sur l'IR et en matraquant les professionnels de santé, depuis le médecin jusqu'à l'industrie pharmaceutique, en passant par le kinésithérapeute.
Ce n'est pas une solution pour le long terme : les prélèvements obligatoires ne sauraient augmenter de façon exponentielle sans créer un tel désordre économique qu'en définitive on ne trouverait d'argent que pour la santé et les retraites et que des privilégiés de moins en moins nombreux seraient payés pour 35 heures de travail pendant qu'augmenterait chaque année le nombre de chômeurs. Bref, il fallait aller au bout de l'expérience tentée par M. Raffarin et qui peut être décrite comme une dose plus grande de libéralisme économique dans un système de marché à moitié socialisé.
Mais le Premier ministre en a-t-il le temps, en a-t-il le loisir ? Il ne cesse à se référer à l'horizon de la législature, qui se termine en 2007. Cela semble lui donner du temps ; mais, à l'allure où il avance, le temps ne sera pas suffisant. La réforme des retraites a pris beaucoup d'énergie à ce gouvernement, qui a dû combattre, depuis le début de l'année sur deux fronts : celui des transports publics et celui des enseignants. Il ne veut pas avoir contre lui 60 millions de patients.
Il n'empêche que l'équipe Raffarin n'a pas pour vocation d'appliquer le programme de la gauche. Et qu'en réalité, elle aurait dû mener de front plusieurs réformes à la fois : retraites, éducation, fonction publique, santé. Si elle craint le discrédit politique, l'objectif d'une remise sur pied de l'économie française demeure sacré : nous ne pouvons prétendre à aucun rôle en Europe ou ailleurs si nous ne retournons pas aux équilibres fondamentaux. Hélas, nous n'avons pas chiffré la réforme des retraites, nous ne profitons pas des départs massifs dans la fonction publique pour procéder à des coupes claires dans les effectifs de fonctionnaires et nous nous contentons de trouver des recettes de poche pour « stabiliser » le déficit de l'assurance-maladie.
Si le gouvernement n'a plus le courage de procéder aux réformes qu'il préconise, s'il ne veut pas soigner les scléroses du système national, pourquoi n'associe-t-il pas l'opposition à sa gestion ? Après tout, en Allemagne, Gerhard Schröder, qui n'en mène pas large politiquement après son terrible échec électoral en Bavière, a mis au point, avec le concours de l'opposition de droite, une réforme du système de santé qui vient d'entrer en vigueur et conduira à des économies substantielles. Droite, gauche, ce n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est l'avenir.
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