Suivie jour après jour et heure après heure, l'actualité est complètement incohérente. Le monde a applaudi le sommet d'Aqaba. Une semaine plus tard, les commentateurs n'hésitaient pas à affirmer gravement que la paix était enterrée.
L'avantage de l'analyse instantanée, c'est qu'elle est vraie pour l'éphémère. Mais elle ne signifie rien dans la durée. Il ne s'est pas produit autre chose, au lendemain d'Aqaba, que ce que les groupes extrémistes palestiniens avaient annoncé qu'ils feraient. Non seulement ils refusaient d'être désarmés, comme l'exige Israël, mais ils rejetaient toute notion de trêve, obectif recherché par le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas. Dès que commence l'effusion de sang, les observateurs se réfugient prudemment dans le jugement équilibré et le renvoi dos à dos des deux parties.
Ce qui compte
Il est pourtant imposible de s'en tenir à cette simplification. Et il ne suffit pas de spéculer sur les chances de George Bush d'être réélu en 2004, ou sur les résultats de sa politique. Tout cela est dérisoire. Ce qui compte, c'est que deux Premiers ministres ont accepté d'engager des pouparlers, que M. Abbas a appelé solennellement ses concitoyens au rejet de la violence, que M. Sharon a commencé, même si c'est symbolique, à démanteler les colonies dites sauvages.
Si on prend le sommet d'Aqaba comme point de départ, la première agression a été commise et revendiquée par trois factions palestiniennes. Lorsque l'armée israélienne riposte, cela ne signifie pas qu'Israéliens et Palestiniens sont également coupables ou qu'ils sont quittes. Ce n'est pas un match de football avec un score de un à un. C'est un nouveau cycle voulu et obtenu par des fanatiques dont l'espoir n'est pas d'écraser l'ennemi, mais de le pousser à réprimer encore et encore, (comme après l'attentat contre un bus à Jérusalem, qui a fait 16 morts et plus de 50 blessés), c'est de l'amener à leur niveau de folie sanguinaire.
Tout est politique, y compris l'assasinat. Lequel n'est pas un outil inefficace dès lors que l'opinion mondiale est plus sensible aux souffrances palestiniennes qu'au malheur d'Israël, que les pacifistes vont à Ramallah « protéger » Yasser Arafat mais ne prennent jamais le bus à Jérusalem.
M. Bush n'a donc rien inventé. Il aurait voulu, comme d'autres avant lui, qu'Israël prenne les coups et se taise, négocie pendant que des civils sont carbonisés, donne aux Palestiniens sans rien en obtenir. Mais d'abord, par qui les Palestiniens sont-ils représentés ? Par le plus modéré d'entre eux, le Premier ministre, ou le plus duplice d'entre eux, le président ? Par leurs diplomates ou par le Hamas ? Veulent-ils une terre et un Etat souverain, ou veulent-ils toute la terre et la disparition d'un autre Etat souverain ?
Aucun gouvernement n'accepterait cette dualité politico-terroriste, avec des interlocuteurs qui parlent et des fanatiques qui tuent, alors que les uns et les autres se réclament de la même cause. M. Sharon peut poser un problème dans la mesure où il va louvoyer, accorder plus ou moins, démanteler plus ou moins, finasser sur le tracé de la frontière, sur l'exterritorialité des colons, sur des garanties de sécurité. Mais il a quelque chose à donner. Malheureusement, en face de lui, il y a des gens qui ne veulent faire aucune concession et, bien qu'ils n'aient encore rien, exigent tout. En effet, pendant que M. Abbas expose un plan politique, d'autres Palestiniens s'expriment par les bombes. Certes, le Premier ministre palestinien, dont l'autorité est à peu près nulle, dénonce la répression israélienne. Quel autre langage pourrait-il tenir ? Il demeure que, s'il veut que les militaires israéliens quittent les territoires, il doit en même temps juguler le terrorisme. S'il ne veut pas qu'Israël fasse ce travail indispensable, il doit l'accomplir. Et tant qu'il ne peut pas l'accomplir, Aqaba restera lettre morte.
Jamais le Hamas, le Djihad, les brigades Al-Aqsa et les autres mouvements terroristes ne se sont engagés à observer un cessez-le-feu si l'armée israélienne se retirait des territoires. Par conséquent, affirmer qu'il « suffit » que les Israéliens s'en aillent pour avoir la paix est faux. Le moindre geste qu'ils font en direction de la paix est salué par des crimes. De sorte que s'ils ne se livraient pas à la répression, ils seraient oblitérés.
Cela ne veut pas dire que ce sont des anges face à des démons. Cela ne veut pas dire que la colonisation n'a pas été une immense erreur stratégique. Cela ne veut pas dire que la violence palestinienne ne serve pas à Israël d'argument pour poursuivre la colonisation. Cela veut dire que toute action a son corollaire, qu'un maximum de haine entraîne la haine, qu'un maximum de violence renforce la colonisation et que l'absolutisme politique assorti du refus de concéder conduit l'adversaire à rechercher une solution par la force.
Crime et légitimité
Les extrémistes palestiniens ressemblent à ces staliniens qui étaient prêts à sacrifier leurs concitoyens pour que leurs descendants aient un avenir doré. Le fond du problème, au Proche-Orient, ne concerne pas uniquement le droit à l'autodétermination ; il concerne les moyens de faire appliquer ce droit. On ne peut pas construire une légitimité en immolant des innocents. Tout le monde connaît la finalité du conflit, mais les moyens conduisant à cette fin ne sont pas tous nécessairement acceptables. On peut faire toutes les comparaisons que l'on voudra, on peut dire, comme Sharon lui-même, qu'Israël occupe les territoires, entrave ou abolit les libertés palestiniennes, on peut même mettre dans le même sac le mysticisme des colons et le fanatisme religieux du Djihad (encore que de fortes nuances les séparent). On ne saurait, en revanche, soutenir la thèse qu'Israël doit être détruit pour qu'apparaisse enfin l'Etat palestinien. Pourtant, c'est exactement ce que pensent les mouvements palestiniens qui se livrent au terrorisme. Et ce sont eux, pas Mahmoud Abbas, qui tiennent aujourd'hui entre leurs mains le sort de leur nation. Ce sont eux qui bloquent la procédure de paix. Ce sont eux qui font la politique de la Palestine. Et ils font la seule qui soit inacceptable. En feignant d'ignorer que leurs crimes éloignent chaque jour un peu plus l'objectif qu'ils se sont fixé.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature