La paix, et cætera...

Publié le 11/12/2001
Article réservé aux abonnés

Kofi Annan est un excellent homme qui mérite sûrement le prix Nobel de la paix, qu'il partage avec l'ONU, et qu'on lui a solennellement remis lundi dernier.

Toutefois, il n'a pas manqué de se poser des questions sur un prix décerné à une institution dont la responsabilité dans les massacres au Rwanda et en Yougoslavie a été signalée par divers rapports. Comme il est décent, et même raffiné, il s'est quand même rendu à Oslo. Les bonnes manières, dans un monde bourré de haine à en exploser, c'est rare et précieux.
Mais enfin, l'optimisme naturel du secrétaire général de l'ONU a été mis à mal ces derniers temps. La question est posée : ne vaut-il pas mieux se rendre à l'évidence et supprimer, jusqu'à nouvel ordre, le prix Nobel de la paix ?
Un journaliste britannique, Robert Fisk, vétéran de beaucoup de campagnes militaires, a été agressé par des réfugiés afghans et n'a échappé à la mort qu'en faisant le coup de poing. Après l'épreuve, il sanglotait, non parce qu'il avait eu peur, mais parce qu'il se jugeait coupable d'avoir frappé des gens qui ont été soumis à la pire des dictatures, puis ont été bombardés, et maintenant risquent de mourir de faim et de froid. Comment s'étonner de ce que les victimes finissent par se mettre en colère ?
Non seulement la paix n'est nulle part, mais l'ONU n'est nulle part. En tout cas pas là où elle pourrait sauver des vies humaines et donner un peu de réconfort aux miséreux. Elle n'a pas ce pouvoir. Et on peut craindre que la paix ne soit pas autre chose qu'une guerre rondement menée et gagnée.
Les Américains ont pu mesurer la haine qu'ils inspirent chez quelques irréductibles talibans, les mercenaires étrangers qui se sont révoltés après s'être rendus et qui, gisant blessés dans un lit d'hôpital, ne pouvaient même pas supporter la vue d'un soldat américain. A un GI qui lui posait une question, un taliban arabe a répondu : « Comment oses-tu te montrer à moi ? Ma religion m'interdit de te regarder et si j'avais un fusil, je te tuerais. »
A cette haine, les Américains ripostent froidement par des bombardements sans précédent sur Tora Bora, là où se cachent encore les derniers combattants d'Al Qaïda et probablement Oussama ben Laden. Ceux-là n'ont jamais toléré une Amérique qui ne leur avait rien fait à eux, personnellement. Maintenant qu'elle s'acharne à les exterminer, ils se battront jusqu'à la mort. Pauvre paix.

R. L.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7029