Après avoir fait descendre des milliers d'infirmières dans les rues en 2000, le projet de soins infirmiers (PSI), transformé depuis en démarche de soins infirmiers (DSI), jette aujourd'hui le trouble chez les représentants des médecins libéraux.
Officiellement entrée en vigueur le 1er décembre 2002, la démarche de soins infirmiers (voir encadré) vise à favoriser le maintien à domicile de quelque 350 000 patients en situation de dépendance temporaire ou permanente, quel que soit leur âge. La DSI permet aussi de donner plus d'autonomie à l'infirmière et de recentrer son activité sur le soin, les autres actes étant relégués aux auxiliaires de vie. Les médecins libéraux prescrivaient jusqu'à présent les séances de soins infirmiers sur une simple ordonnance, à charge pour l'infirmière de rédiger l'entente préalable. Désormais, les médecins doivent remplir un nouveau formulaire spécifique pour prescrire l'établissement d'une DSI. Dans le nouveau dispositif, il revient aux médecins « d'approuver les recommandations de l'infirmière ou de les modifier en concertation avec elle », comme l'explique un courrier de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et de la Mutualité sociale agricole (MSA) envoyé récemment aux cabinets médicaux.
L'UNOF-CSMF, premier syndicat français de médecins de famille, a décidé de boycotter purement et simplement le nouveau formulaire de prescription que les caisses ont expédié aux médecins. L'UNOF « demande aux médecins généralistes d'ignorer ce document » en raison de sa « complexité » qui « prouve, une fois de plus, l'absence de prise en compte de la surcharge de travail des médecins de famille ». En outre, l'UNOF « regrette » que la mise en place de la DSI n'ait « fait l'objet d'aucune explication, ni d'aucune concertation auprès des représentants du corps médical ». Enfin, le Dr Michel Combier, président de l'UNOF-CSMF, « se demande qui est responsable, de l'infirmière ou du médecin, si, par exemple, un problème d'escarre tourne mal ». Selon le Dr Combier, « certains généralistes de Toulouse ont déjà commencé à renvoyer le formulaire » à leur caisse.
Si les autres syndicats médicaux ne parlent pas de boycott, ils accueillent fraîchement le nouveau dispositif. Le Dr Jean-Louis Caron, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML), estime qu'il s'agit d' « une charge en plus » qui « marginalise le médecin ». Le Dr Caron, pour sa part, conteste la possibilité de validation du premier plan d'actions de soins (ou DSI-résumé) par accord tacite du médecin, passé un délai de 72 heures. « L'accord express du médecin représenterait davantage de boulot mais serait responsabilisant et permettrait de nouer le dialogue avec l'infirmière d'une autre façon, explique le secrétaire général du SML. Là, c'est rébarbatif et cela ne me donne pas envie de me lancer là-dedans ».
Une « caricature de paperasserie »
Pour le Dr Jean-Marc Rehby, président de la branche généralistes de la Fédération des médecins de France (FMF), la démarche de soins infirmiers apporte « encore de la paperasserie » aux médecins libéraux. « C'est la caricature technico-administrative de ce qu'on dénonce depuis longtemps, ajoute le Dr Rehby. Non seulement on ne nous entend pas, mais on en rajoute. »
Même le syndicat MG-France, qui avait soutenu en son temps le premier projet de soins infirmiers, reste pour l'instant dubitatif. En milieu de semaine, son premier vice-président, le Dr Martial Olivier-Koehret, était encore « en manque d'explication sur les différences entre PSI et DSI ». « Qui est responsable de quoi à partir de la mise en place de la DSI ? » s'interroge le Dr Olivier-Koehret. Il avoue n'avoir « rien compris » à la lecture du mode d'emploi envoyé par les caisses. « On ne met pas en place un dispositif de cette ampleur sans un accompagnement, souligne le premier vice-président de MG-France. Il faut expliquer aux professionnels et à la population ce qu'on fait. » Il déplore donc qu'en matière de démarche de soins infirmiers les caisses n'aient pas fait le même effort de communication que pour la réforme de la visite, la prescription en génériques ou les tests de diagnostic rapide de l'angine.
« Il y a peut-être un manque d'information de la part de la CNAM », avance aussi Annick Touba, présidente de Convergence Infirmière, qui a signé avec l'assurance-maladie l'accord instituant la DSI. Elle reconnaît que le dispositif n'est « pas parfait et demande à évoluer ». Convergence Infirmière a d'ailleurs participé hier à une réunion à la CNAM pour essayer de résoudre les problèmes posés localement par le boycott de l'UNOF. Annick Touba s'étonne de voir les médecins découvrir un dispositif « dont on parle depuis trois ans ». Elle en conclut que « les médecins vont peut-être rendre service (aux infirmières) s'ils ne veulent pas contresigner la DSI, car on va demander un droit de prescription » pour les personnes dépendantes.
DSI : mode d'emploi
Le point de départ de la démarche de soins infirmiers (DSI) est l'imprimé spécifique de prescription sur lequel le médecin doit signaler les déficiences de son patient dépendant. Le patient remet ensuite ce document à l'infirmière de son choix, qui établit une démarche de soins infirmiers en analysant les besoins du patient, son environnement, ses capacités d'autonomie. L'infirmière « propose des objectifs de soins et planifie les actions nécessaires : séances de soins infirmiers et/ou de surveillance clinique et de prévention, et/ou programme d'aide personnalisé afin de maintenir le patient à domicile », précise l'assurance-maladie. Puis, à partir des conclusions de sa DSI, l'infirmière propose au médecin une prescription d'actes (nombre, fréquence des séances, durée de prescription) dans un imprimé baptisé « Démarche de soins infirmiers-résumé », qui tient lieu d'entente préalable.
Ce document est soumis au médecin. Il peut le modifier dans un délai de 72 heures. Au-delà, son accord est tacite. A partir de la deuxième démarche de soins pour un même patient, le même document doit être signé conjointement par l'infirmière et le médecin.
Une DSI est prescrite pour une durée de trois mois au maximum et peut être renouvelée quatre fois sur un an.
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