APPRENDRE ET UTILISER une nouvelle information est une affaire complexe : il faut acquérir, consolider, se rappeler, et reconsolider la mémoire de cette information. Si les études ont commencé à élucider les mécanismes cellulaires et moléculaires sous-tendant acquisition, consolidation et conservation de la mémoire, on ne sait pas grand-chose sur les mécanismes moléculaires permettant le rappel des souvenirs (mémoire d'évocation).
Le rôle joué par la noradrénaline dans l'apprentissage et la mémoire reste élusif et controversé.
Une hypothèse dans la consolidation par l'émotion.
Une hypothèse dominante sur son rôle se concentre sur la consolidation de la mémoire. Selon cette hypothèse, la consolidation de la mémoire par l'émotion serait due à l'action des hormones de stress comme la noradrénaline. Dans ce modèle, la libération périphérique d'adrénaline au cours d'expériences chargées d'émotions aboutit a l'activation des récepteurs bêtanoradrénergiques dans l'amygdale et la consolidation consécutive de la mémoire dans de multiples régions cérébrales.
Munchinson et coll. (université de Pennsylvanie, Philadelphie) ont testé cette hypothèse chez des souris knock-out, privées du gène bêtadopamine hydroxylase, qui convertit la dopamine en noradrénaline, donc déficientes en noradrénaline et en adrénaline ; ils l'ont également testée chez des souris et rats traités par antagonistes et agonistes adrénergiques.
Les souris et les rats ont été soumis à plusieurs épreuves d'apprentissage mettant en jeu différentes régions cérébrales : l'hippocampe qui gouverne la mémoire spatiale et contextuelle (ou, quand et comment ?) ; et l'amygdale, importante pour l'apprentissage et la mémoire à teneur émotionnelle.
Contrairement à leur attente, les chercheurs ont découvert que le signal adrénergique est crucial pour le rappel des souvenirs récents spatiaux et contextuels (dépendant de l'hippocampe), mais n'est pas nécessaire pour le rappel ou la consolidation des souvenirs émotionnels.
Cette fonction de la noradrénaline requiert son signal via le récepteur bêta 1-adrénergique dans l'hippocampe.
« Ces résultats démontrent que les mécanismes de la mémoire d'évocation peuvent varier au cours du temps, et peuvent être différents de ceux requis pour l'acquisition ou la consolidation », concluent les chercheurs.
« Il existe probablement d'autres mécanismes importants indépendants de la noradrénaline pour le rappel des souvenirs à plus long terme », observe dans un communiqué le Dr Steven Thomas, qui a dirigé ces travaux. Il est à noter que d'autres études suggèrent que la noradrénaline joue également un rôle dans l'acquisition et la consolidation des informations.
Des répercussions cliniques.
Dans le syndrome de stress post-traumatique, il a été proposé que les souvenirs répétitifs de l'événement traumatique pourraient être dus en partie à une activité accrue du système adrénergique. « Nos résultats suggèrent que si les bêtabloquants devaient être efficaces pour atténuer ces souvenirs gênants, ce serait lorsque les symptômes sont déjà installés plutôt que peu de temps après l'événement traumatique », notent les chercheurs.
Inversement, les difficultés à se souvenir au cours de la dépression pourraient être dues en partie à un déficit fonctionnel du signal adrénergique.
Enfin, ajoutent les chercheurs, il pourrait être souhaitable d'utiliser des bêtabloquants ne passant pas dans le cerveau pour traiter l'insuffisance cardiaque.
« Cell », 2 avril 2004, vol. 117, p. 131.
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