Q UAND un médecin ne télétransmet pas ses feuilles de soins, il commet une infraction conventionnelle.
Voici le point de départ du raisonnement de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes qui vient d'envoyer un recommandé aux quelque 400 généralistes et 800 spécialistes de son ressort n'ayant pas encore abandonné les feuilles de soins papier. Dans sa lettre, la caisse menace les praticiens d'une mesure de rétorsion prévue par la convention : la suspension de sa participation à la prise en charge de leurs avantages sociaux (en moyenne, 51 950 francs par généraliste et 60 350 francs par spécialiste pour l'année 2000). Les intéressés ont jusqu'au 29 juin pour s'engager par écrit à télétransmettre, jusqu'au 15 septembre pour passer effectivement à l'acte. Passé cette date, ceux qui ne télétransmettront toujours pas « un taux significatif d'actes réalisés en cabinet » seront punis. Et ils le seront à un niveau inédit dans l'histoire de l'informatisation de la médecine libérale. « 50 000 francs, c'est deux mois de travail gratuit », calcule rapidement le Dr Simon Bihar, président de la section généraliste de la CSMF locale.
De quoi faire bondir l'ensemble des représentants des médecins du pays niçois. L'UNOF (Union nationale des omnipraticiens français), MG-France et le syndicat de Nice et région, ont été les premiers à réagir. Ils menacent, dans un communiqué commun, de « déclencher une grève totale de la télétransmission dans les Alpes-Maritimes ». Ce mouvement pourrait commencer le 1er juillet, il ne concernerait pas les patients bénéficiaires de la CMU (couverture maladie universelle). « Aucun généraliste ne peut admettre ce genre de mesure totalement injustifiée », s'emportent les trois organisations.
Si le ton monte, c'est parce que la CPAM emploie soudain les grands moyens alors que la télétransmission souffre d'un vide réglementaire. Prévue à l'origine, la taxation supplémentaire des médecins réfractaires n'a jamais été définie, faute de texte. Jusqu'à présent, quand sanction il y a eu, il ne s'est agi que de demander le remboursement de l'aide à l'informatisation de 9 000 francs à ceux qui l'avaient perçue et qui ne télétransmettaient pas. Dans les Alpes-Maritimes, 58 % des médecins avaient encaissé cette prime. Sommés l'an dernier par la CPAM de la reverser quand ils étaient restés fidèles au papier, ils ont obtempéré. Sans penser pour certains, qui sont destinataires du dernier courrier de la caisse, que l'addition pourrait être un jour multipliée par cinq. Aujourd'hui, les syndicats s'expliquent d'autant plus mal la démarche de la CPAM que leur département fait plutôt bonne figure dans la carte de France de la télétransmission : à la mi-mai, 70,7 % des généralistes et 42,19 % des spécialistes y transmettaient au moins une feuille de soins électronique (FSE). C'est mieux que la moyenne nationale qui donne des résultats de 68,95 % pour les généralistes et 33,98 % pour les spécialistes. Du coup, les Niçois, à l'image du Dr Pierre Airaudi qui préside MG-France 06, s'interrogent : « Peut-être faisons-nous office de laboratoire pour le reste de la France ? »
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