L'IMPATIENCE MONTE au sujet de la Classification commune des actes médicaux (Ccam), dont le versant technique doit être appliqué à compter du 1er octobre 2004. Initialement prévu le 12 mai, le premier round de négociation sur la tarification de la nouvelle nomenclature des actes techniques a tourné court, au grand dam du Dr Jean-François Rey. Le président de l'Umespe-Csmf, la branche spécialiste de la première centrale syndicale de médecins libéraux, n'en revient pas que les caisses d'assurance-maladie aient repoussé au 20 juin l'ouverture d'une négociation tarifaire et politique, alors que celle-ci était censée être bouclée au 1er juillet. Las de voir les médecins libéraux « se faire balader par les caisses », le Dr Rey précise qu'il « saurait refaire » le mouvement de 1997 qui avait fait descendre dans la rue des milliers de médecins contre le plan Juppé.
Il a écrit vendredi à Philippe Douste-Blazy (« le Quotidien » d'hier), pour qu'il « impose politiquement », non seulement la prise en compte de la permanence des soins des spécialistes, mais aussi l'ouverture d' « une réelle négociation dans les jours à venir, concernant, d'une part, la mise en place financière de la Ccam des actes techniques, d'autre part, un partenariat sur la méthodologie de la Ccam des actes cliniques » dont la mise en place est déjà officieusement reportée du 1er janvier au 1er juillet 2005. La Ccam, rappelle le président de l'Umespe dans son courrier au ministre, a pour enjeu de « sortir du marasme financier les médecins spécialistes du secteur I » et de leur redonner « une lisibilité sur la place que le gouvernement et les caisses d'assurance-maladie leur réservent dans le système de santé ».
Les nouveaux « recalculés » ?
La Ccam soulève, en outre, d'autres inquiétudes. La Fédération des médecins de France (FMF) s'en méfie dès lors qu'elle se fera au moyen d'une « enveloppe fermée ». A l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (Uccsf-Alliance), on se demande de même si la nouvelle nomenclature atteindra réellement son objectif de vérité des prix (prise en compte du travail médical et du coût de la pratique, c'est-à-dire des charges diverses). « Si le facteur de conversion monétaire est décrété comme une donnée variable en fonction de l'enveloppe budgétaire du Plfss [projet de loi annuel de financement de la Sécurité sociale, ndlr] , les médecins pourront être comparés aux "recalculés" de l'assurance chômage ! », souligne le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Uccsf-Alliance. Le Dr Alain Ricci, du même syndicat, n'hésite pas à parler de « lettre clé flottante pour tout le monde » (y compris les internes en médecine générale) et s'attend à voir « rentrer par la fenêtre » la maîtrise comptable issue du plan Juppé que l'ex-ministre Jean-François Mattei avait officiellement chassée par la porte à la fin de 2002 .
La menace d'un nouveau système de lettres clés flottantes ne fait « pas peur » au président de l'Umespe-Csmf. Autant la baisse de l'une ou l'autre des 13 lettres clés tarifaires traditionnelles avait pour effet de diviser les spécialistes libéraux, autant la nouvelle nomenclature les unira dans sa conception même, puisque chaque tarif sera calculé en fonction de la même unité de compte. S'il restreint les revenus des médecins libéraux en jouant sur le facteur de conversion monétaire, « le gouvernement se retrouvera avec la masse des spécialistes ligués contre lui, car la Ccam nous met tous dans la même barque pour le pire et le meilleur », avertit le Dr Rey.
Des spécialités lésées.
Le comité de pilotage de la Ccam, qui a déjà reçu les recommandations des pôles d'expertise scientifique et économique, se réunira le 4 juin pour valider la totalité de la nouvelle nomenclature des actes techniques. En attendant, il reste à aplanir les dernières difficultés, comme la prise en compte de la flambée récente des primes d'assurance des chirurgiens, et surtout le mécontentement des spécialités en passe d'être les plus lésées par l'abandon de l'ancienne nomenclature devenue obsolète (Ngap). « Les gastro-entérologues, les cardiologues et les radiologues ont l'impression d'être désavantagés », explique le Dr François Raineri, du Syndicat des médecins libéraux (SML). « Les doléances des radiologues sont nombreuses », confirme le Dr Jacques Niney, à la Fédération nationale des médecins radiologues (Fnmr). Selon les premières estimations de ce syndicat, les radiologues pourraient perdre « entre 15 et 18 % de leur chiffre d'affaires » à cause de la Ccam. Le secrétaire général de la Fnmr conteste le principe de « décote entre 50 et 60 % » sur la valeur du deuxième acte en cas d'actes associés le même jour pour un même patient (par exemple, radios du thorax et de la cheville). Ce principe général, qui existait auparavant dans la Ngap, sauf en radiologie, n'est, selon lui, pas adapté à cette spécialité, parce que les deux radios se font « dans deux salles et avec des manipulateurs différents », et donnent lieu à « deux comptes rendus distincts ». Le Dr Niney trouve le taux de charges sous-évalué et remet en cause enfin les « modificateurs » retenus pour tenir compte du caractère d'urgence ou de l'âge du patient (par exemple, les enfants jusqu'à 3 ans et non plus 5 ans).
Au Syndicat national des médecins français spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux, le Dr Christian Avierinos rappelle ses doléances sur « six actes en cardiologie non interventionnelle » et le « désaccord profond » avec les experts en cardiologie interventionnelle (coronographie et angioplastie) en raison d' « un libellé manquant ». Le président du syndicat des cardiologues proteste contre le taux de charge retenu (46 %), qu'il juge inférieur de 4 points à la réalité.
Quant aux gastro-entérologues, précise le Dr Ricci, ils pourraient perdre de l'ordre de « 12 ou 13 % » de leurs revenus. Le Dr Rey, concerné au premier chef, puisqu'il préside à la fois l'Umespe et le Syndicat des gastro-entérologues (Synmad), souligne une fois de plus que les 180 millions d'euros (mentionnés par l'accord-cadre du 10 janvier 2003 avec les caisses) sont indispensables pour opérer les réajustements nécessaires. « 30 millions d'euros » pourraient être consacrés selon lui au « lissage » des revenus des spécialités pénalisées comme la sienne, pendant « cinq à sept ans, soit le temps de la restructuration des cabinets ». Le restant, soit 150 millions d'euros, servirait à « mieux valoriser » certaines spécialités, en particulier la chirurgie viscérale.
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