Si la dépendance et les effets délétères (cardio-vasculaires, pulmonaire, cancérogenèse, etc.) liés à la nicotine sont bien étayés, on trouvait jusque-là à ce produit, dans certains cas, une certaine action protectrice des neurones. Des effets de stimulation sur les fonctions cognitives ont été démontrés pour une consommation ponctuelle.
Mais on sait aussi que, en situation de sevrage, les gros fumeurs connaissent des altérations de l'apprentissage et de la mémorisation.
D'où la supposition qu'une exposition chronique à la nicotine puisse en fait exercer une perturbation cognitive.
Pier-Vincenzo Piazza et Djoher Nora Abrous (unité 259, Psychobiologie des comportements adaptatifs, dirigée par Michel Le Moal à Bordeaux) se sont intéressés au gyrus dentelé, une région de l'hippocampe qui intervient dans les processus d'apprentissage et de mémorisation et qui a la particularité de produire de nouveaux neurones tout au long de la vie.
Baisse de la neurogenèse et de la plasticité
Ils ont mené leurs recherches chez des rats adultes et montré qu'à des doses de nicotine équivalentes de celles de fumeurs on constate une diminution marquée de la neurogenèse et de la plasticité, et une augmentation de la mort cellulaire au niveau du gyrus dentelé.
Quatre groupes de rats ont été constitués, en fonction des doses unitaires de nicotine que les animaux avaient la possibilité de s'autoadministrer par voie intraveineuse (0 ; 0,02 ; 0,04 et 0,08 mg/kg par injection). Cette voie a été choisie car elle permet de se rapprocher des conditions d'absorption chez les fumeurs. L'expérience a duré une heure par jour pendant quarante-deux jours.
Un marquage immunohistochimique a été réalisé pour visualiser les cellules néoformées et évaluer leur nombre en relation avec les doses de nicotine injectées.
Une technique de coloration du noyau a permis, en outre, d'objectiver les neurones morts.
L'expression de la PSA-NCAM, molécule d'adhérence exprimée par les neurones en migration et qui est impliquée dans la plasticité synaptique, a enfin été suivie.
Les résultats sont éloquents. La neurogenèse est fortement réduite par la nicotine, en relation étroite avec la dose. Ainsi, le nombre de nouveaux neurones décline de plus de 50 % entre le groupe des rats contrôles et celui qui absorbe 0,04 mg/kg. L'expression de la PSA-NCAM décroît à mesure que la quantité de nicotine augmente. Elle est abaissée de 44 % à 0,04 mg/kg.
Les auteurs postulent que ces altérations sont susceptibles d'avoir un retentissement négatif sur les capacités d'apprentissage et de mémorisation du sujet. Cette démonstration est une première, car jusque-là les expériences in vitro faisaient supposer que la nicotine pouvait être toxique seulement pendant la période ftale.
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