L'EQUIPE de Thierry Galli (Inserm, institut Jacques-Monod, Paris) s'intéresse aux mécanismes moléculaires et cellulaires permettant aux cellules normalement sédentaires de se déplacer. Sous des influences multiples, le plus souvent pathologiques chez l'adulte, les cellules épithéliales sont capables de se transformer. Elles changent de forme, perdent la différenciation, sont capables d'aller vers d'autres tissus et en adoptent « un phénotype polarisé » qui peut se déplacer. Autrement dit, la cellule pousse un lamellipode sur son devant, qui s'attache sur le substrat, puis le reste du corps cellulaire et est ensuite entraîné vers l'avant. Ce processus de propulsion est mis en jeu dans le cancer, où une altération des cellules épithéliales les rend migrantes et productrices de métastases. La progression des cellules migrantes se fait à la vitesse d'environ 20 microns par heure. La migration cellulaire peut être reconstituée in vitro en traitant les cellules avec un stimulus « motogène », par exemple un facteur de croissance hépatique (HGF) ou en travaillant sur un modèle de métastase tel que les cellules en migration MDCK (cellules de rein de chien), comme dans le laboratoire de l'équipe de T. Galli.
Inhibition de la fusion.
Dans le travail qu'ils publient dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine, les chercheurs montrent que la toxine tétanique, introduite dans les cellules épithéliales, inhibe leur capacité à se déplacer. Le mécanisme d'action est une inhibition de la fusion des vésicules de sécrétion avec la membrane plasmique.
Différentes protéines sont nécessaires au mouvement des cellules. On peut citer la cellubrévine, la syntaxine, l'intégrine. La cellubrévine, en s'associant à la syntaxine, une protéine de membrane plasmique, est responsable de la fusion des vésicules de sécrétion avec la membrane plasmique, expliquent les chercheurs. Ils montrent en complément que la voie de transport vésiculaire impliquant la cellubrévine est nécessaire au transport des intégrines, qui sont des molécules contribuant à l'adhésion des cellules au substrat au cours de la migration cellulaire.
Vitesse réduite de moitié.
Dans leur publication, les chercheurs expliquent que la toxine tétanique cible la cellubrévine et, de ce fait, est capable de réduire de moitié la vitesse de la migration cellulaire. Ils ont filmé l'activité des cellules épithéliales pour fermer une microblessure expérimentale. Sur le film en accéléré, on voit le mouvement des cellules épithéliales qui viennent fermer la blessure et, à côté, les cellules traitées par la toxine tétanique, qui restent statiques.
Selon les chercheurs, ces observations « pourraient ouvrir des perspectives d'application en cancérologie s'il apparaît que ces neurotoxines sont capables d'enrayer la migration des cellules épithéliales et, par conséquent, de freiner un des processus essentiels de la dissémination des cancers ».
Pour que cette hypothèse soit confortée, les essais doivent être poursuivis. La toxine tétanique qui, comme toutes les neurotoxines, a un tropisme exclusif pour la cellule nerveuse, doit être couplée à un vecteur pour pénétrer la cellule épithéliale. Les chercheurs s'emploient actuellement à trouver un partenariat pour réaliser cette opération.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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