Quelles peuvent être les modalités du recours à la neurochirurgie fonctionnelle pour des affections psychiatriques sévères et quelles sont les garanties à mettre en place pour recueillir un consentement valable de la part du patient ?
Ces questions sur lesquelles le CCNE vient de rendre un avis* ont été posées par le président de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques du Haut-Rhin en juin 2001 au sujet du cas d'un patient âgé de 20 ans.
Souffrant de graves troubles psychiatriques (avec agitation, hétéroagressivité, menaces d'automutilation), ce jeune homme subissait une hospitalisation quasi continue et carcérale depuis 1995. Devant le caractère réfractaire aux traitements médicamenteux psychiatriques classiques de sa pathologie, l'équipe soignante envisage un recours à des méthodes chirurgicales. Parallèlement, le Pr Alim-Louis Benabid (unité INSERM neurosciences précliniques du CHU de Grenoble) saisissait le CCNE des implications éthiques liées au développement de nouvelles méthodes de stimulation cérébrale à haute fréquence, méthodes utilisées dans une autre pathologie, la maladie de Parkinson.
La lourde histoire de la psychochirurgie
Car ces nouvelles méthodes - qui permettent de mimer les effets de la neurochirurgie fonctionnelle classique, mais de manière potentiellement réversible et adaptable - sont aujourd'hui considérées comme un possible « développement d'une psychochirurgie réfléchie, scientifique et prospective ». Le renouveau de cette pratique pose donc un enjeu éthique important.
L'extrême prudence de l'avis du CCNE concernant l'ouverture des indications thérapeutiques des nouvelles techniques de neurostimulation doit être reliée à l'histoire controversée de la psychochirurgie qui s'est caractérisée par un élargissement abusif des indications. Entre 1936 (date du début de la lobotomie) et 1956, le nombre d'actes de psychochirurgie pratiqués sur des patients est estimé à 60 000.
Pour le CCNE, qui se félicite d'ailleurs de « voir des professionnels responsables de ces nouvelles techniques de neurostimulation s'interroger et mener une réflexion prospective sur leurs actes eux-mêmes », les indications doivent être pour le moment limitées aux TOC. « L'ouverture aux troubles psychiatriques en impasse thérapeutique, notamment ceux dans lesquels il existe une autoagressivité, pourrait être envisagée, mais elle paraît encore actuellement prématurée, peut-on lire dans l'avis du CCNE. Cette ouverture ne devrait pas inclure les troubles psychiatriques gravissimes avec héteroagressivité. »
Un consentement spécifique
Pour le CCNE, l'intrication de ce soin avec la recherche implique une notion de consentement très spécifique, validé par un regard extérieur. La dimension mixte de cette thérapeutique expérimentale nécessite en effet une vigilance accrue puisqu'il n'existe pas de phase I en chirurgie permettant de tester la tolérance d'une thérapeutique avant son efficacité. « Si l'objectif de ces nouvelles techniques est toujours thérapeutique, la démarche doit être celle d'une recherche, estime le CCNE. La psychochirurgie doit en effet être vue comme une thérapeutique expérimentale entrant dans le cadre d'un protocole de recherche. »
Concernant le consentement, si les neurostimulations sont limitées aux TOC, le problème est moindre : les patients ne souffrant pas d'un trouble annihilant leur jugement et ayant pleine conscience de la réalité des souffrances endurées sont en effet les premiers à réclamer cette intervention.
La question reste entière pour les patients atteints d'états délirants agressifs.
Le CCNE ajoute, comme autre garde-fou à cette technique expérimentale, que « tout protocole de soin doit être approuvé par un comité particulier, selon des critères devant définir les conditions du choix des candidats potentiels, la validité de leur consentement, les critères de sévérité, de chronicité, de gravité et d'échec des traitements médicaux, et les modalités de l'évaluation des résultats ».
* Avis n° 71 sur « la neurochirurgie fonctionnelle d'affections psychiatriques sévères ».
De la lobotomie classique aux techniques de stimulation cérébrale
Les techniques initialement proposées et abandonnées aujourd'hui visaient à détruire une partie des lobes frontaux ou de leurs connexions avec le système limbique. Les modifications de personnalité induites par ces anciennes techniques délabrantes étaient fréquentes.
Depuis les années soixante, les techniques de neurochirurgie fonctionnelle, encore destructrices, ont fait leur apparition. Regroupées sous le terme de psychochirurgie, elles peuvent consister en une capsulotomie antérieure, une cingulotomie, une tractotomie, une leucotomie bilimbique. Il s'agit d'une thérapeutique chirurgicale de symptômes qui corrige les manifestations fonctionnelles et non la structure de l'individu. Les modifications cognitives sérieuses du comportement avec apathie marquée et indifférence des premières lobotomies ne sont plus observées. Les gestes chirurgicaux volontairement prudents et limités dans leur section entraîne parfois une seconde intervention.
De nouveaux espoirs sont récemment nés avec l'apparition de techniques non destructives, faites de neurostimulations par stéréotaxie. Leurs résultats sont en cours d'évaluation, mais ces techniques déjà utilisées dans d'autres indications comme la maladie de Parkinson sévère sont pratiquement dépourvues de complications. Ces techniques de psychoélectrophysiologie se proposent de réaliser une psychomodulation par l'implantation, dans le parenchyme cérébral, d'électrodes de stimulation dans des localisations précises comme le bras antérieur de la capsule interne. Ces voies de recherche sont développées avec l'espoir d'une réversibilité.
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