LE PRINCIPE actif d'Atriance est la nélarabine, une prodrogue de l'analogue désoxyguanosine : ara-G. Après une administration par voie I.V., la nélarabine est transformée en ara-G, puis, dans sa forme active, en ara-GTP. Une accumulation d'ara-GTP dans les cellules pathologiques, les blastes leucémiques, entraîne l'inhibition de la synthèse de l'ADN, et il en résulte une mort cellulaire. D'autres mécanismes peuvent contribuer aux effets cytotoxiques de la nélarabine. Invitro, les cellules T apparaissent plus sensibles que les cellules B aux effets cytotoxiques de la nélarabine.
Les indications de ce produit portent sur deux maladies rares, la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) à cellules T et le lymphome lymphoblastique (LBL) à cellules T : deux affections au pronostic très péjoratif, qui engagent le processus vital pour lesquelles, en cas de rechute ou de formes réfractaires à deux lignes de traitements, il n'existe presque aucun moyen thérapeutique.
Parmi les LAL, qui sont des proliférations clonales malignes de cellules hématopoïétiques immatures envahissant la moelle osseuse, le sang et de nombreux organes, les LAL-T ne représentent qu'un faible pourcentage (15 % des LAL pour les adultes, 5 % pour les enfants). Si, globalement, toutes LAL confondues, le taux de survie à cinq ans avoisine 84 % pour les enfants de 15 ans et moins de 47 % pour les patients de plus de 15 ans, le taux de survie des patients ayant une LAL-T est nettement plus faible. Environ 30 % des patients récidivent dans les deux premières années suivant le diagnostic ; chez les enfants, la survie sans événement à quatre ans atteint seulement 67 % versus 85 % pour les LAL-B. «Les chances de guérison après une rechute sont faibles», souligne le Pr Guy Leverger.
Quant aux lymphomes lymphoblastiques (LBL), c'est un groupe rare de lymphome non hodgkinien (25 % des LBL chez l'adulte, 5 % chez l'enfant) présentant des caractères biologiques proches des LAL, touchant plus les hommes (adolescents et adultes jeunes). Pour les LBL-T, le taux de survie sans événement de 90 % est rapporté chez les enfants ; il est de 67 % chez les adultes.
Plusieurs essais cliniques.
Qu'il s'agisse des LAL ou des LBL, les prises en charge thérapeutiques sont identiques. Le schéma général utilisé est un traitement d'induction (corticothérapie + chimiothérapie) pour l'obtention d'une réponse complète, un traitement de consolidation (chimiothérapie suivie d'un traitement de convenance (chimiothérapie) pour réduire les risques de rechute. En plus, le patient bénéficie d'une prophylaxie méningée. La place de la greffe est fixée en fonction de l'âge, de l'existence ou non d'un donneur HLA compatible et du pronostic.
Plusieurs essais cliniques évaluant la tolérance et l'efficacité de la nélarabine ont été menés tant chez les adultes que chez les enfants. Le faible nombre de patients inclus s'explique par la rareté de ces pathologies.
Une étude en ouvert menée par le Cancer and Leucemia GroupB et le Southwest Oncology Group ont évalué la tolérance et l'efficacité de la nélarabine chez 39 adultes ayant une LAL-T ou un LBL-T ; 28 de ces patients étaient en rechute ou réfractaires à au moins deux traitements d'induction antérieurs. Une dose de 1 500 mg/m2/j était administrée en I.V. pendant deux heures à J1, J3, J5 d'un cycle de 21 jours. Il ressort que 5 patients (sur 28) traités par la nélarabine ont obtenu une réponse complète (sans autre manifestation de la maladie, récupération complète des cellules sanguines périphériques) et 6 patients une réponse complète sans récupération hématologique. Dans ces deux groupes, le temps nécessaire à l'obtention d'une réponse était de 2,9 à 11,7 semaines, les durées des réponses (n = 5) étaient comprises entre 15 et plus de 195 semaines. La médiane de survie globale était de 20,6 semaines. A un an, le taux de survie était de 29 %.
Une étude multicentrique en pédiatrie.
Une étude multicentrique a été menée en pédiatrie par le Children Oncology Group sur des patients âgés de 21 ans ou moins atteints de LAL-T ou LBL-T en rechute ou réfractaires. Trente-neuf avaient préalablement reçu au moins deux traitements d'induction antérieure. Cinq ont obtenu une réponse complète, 9 une réponse complète avec ou sans récupération complète avec ou sans récupération. Les durées des réponses étaient comprises entre 4,7 et 36,4 semaines. La survie à un an était de 14 %.
Quant à la tolérance chez l'adulte ou l'enfant aux doses cliniques recommandées chez l'adulte (1 500 mg/m2/j) et l'enfant (650 mg/m2/j), les effets indésirables étaient ceux des chimiothérapies en général (fatigue, troubles gastro-intestinaux, hématologiques, pyrexie…). Des effets neurologiques sévères ont été observés. Cette neurotoxicité est la toxicité dose-limitante de la nélarabine, cause de l'arrêt du traitement dès l'apparition de troubles neurologiques de grade 2, ceux-ci pouvant être irréversibles.
Cette nouvelle molécule est un réel espoir dans un domaine où les praticiens ne disposaient d'aucune arme. A l'avenir, les spécialistes espèrent qu'elle pourra être utilisée à des stades plus précoces des maladies, pouvant permettre peut-être des greffes plus rapidement, de longues rémissions.
D'après une conférence de presse GSK avec parmi les intervenants le Pr Guy Leverger (hôpital Trousseau), le Dr Emmanuel Raffoux (hôpital Saint-Louis, Paris).
Atriance
Atriance est disponible en France depuis 2001 dans le cadre d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives (20 patients traités). Atriance a obtenu le statut de médicament orphelin depuis juin 2005 délivré par le comité des médicaments orphelins au niveau de l'EMEA. Une demande d'AMM a été sollicitée auprès de l'EMEA le 2 juin 2006. Une opinion positive a été donnée par le CHMP, la Commission européenne l'a approuvé le 22 août dernier.
Aux Etats-Unis, la nélarabine (Arranon) a été autorisée par la FDA selon la procédure accélérée.
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