La négociatrice

Publié le 17/11/2010
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Mireille Faugère arrivera-t-elle à remettre sur les rails l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ? Paquebot difficile à manœuvrer où les pachas-médecins fixent eux-mêmes les règles du jeu, on est loin de l’univers TGV dominé par les ingénieurs et leur esprit de géométrie. Pourquoi alors avoir nommé à la tête du 1er groupe hospitalier européen non pas un familier des us et coutumes du monde hospitalier, mais une femme auréolée du succès d’une saga typiquement française, celle du TGV qu’elle a accompagnée depuis 1979 où se conjuguent innovation technologique et service public. Actualisée toutefois avec les ingrédients d’aujourd’hui empruntés au discours managérial anglo-saxon, à savoir optimisation du service offert au « client », gestion rigoureuse, et management moderne des ressources humaines. Le parcours de Mireille Faugère témoigne pour le moins d’une adhésion très précoce à ces valeurs. Née en 1956 à Tulle dans un milieu modeste, elle est bien sûr une élève brillante. « Je suis un pur produit de l’école de Jules Ferry », reconnaît-elle. Perce rapidement une tendance, celle de refuser les diktats. On lui avait dit qu’elle ne pourrait pas faire une prépa de type HEC parce qu’elle n’avait pas choisi l’anglais au cours de son cursus… Qu’à cela ne tienne, la jeune Mireille apprend la langue de Shakespeare pendant l’été. Et intègre un lycée à Bordeaux avant de réussir dès la première tentative le concours d’entrée à HEC. Pour rejoindre la prestigieuse école située à Jouy en Josasse, elle traverse pour la première fois la Loire. A HEC elle opte pour la filière service public, supprimée depuis, signe des temps. Pourquoi ne pas avoir préparé le concours de l’ENA ? « Je ne me destinais pas à une carrière administrative. » L’entrée à la SNCF n’est pas pour autant le résultat d’une vocation. Alors enceinte, c’est la première des entreprises publiques qui répond à sa candidature spontanée et l’engage. Elle accompagnera donc l’essor des trains à grande vitesse. Et installera la marque avec le succès que l’on sait dans l’imaginaire collectif des français. A l’époque toutefois il n’y avait rien d’évident à ce choix. « On m’avait conseillé le fret, qui était à l’époque considéré comme le secteur d’avenir de la SNCF ! ».

Mireille Faugère se forgera au fils des ans la réputation d’une excellente négociatrice avec les syndicats, à la fois ferme, loyale et respectueuse de la parole donnée. Mais n’est-il pas plus facile de partager les fruits de la croissance, du succès du TGV que de discuter avec les personnels de l’AP-HP inquiets pour leur avenir alors que le système hospitalier connaît une grave crise du financement ? Promouvoir désormais la marque AP-HP, symbole de qualité et haute technicité auprès de la population d’Ile-de-France alors que la concurrence s’exacerbe est le nouveau défi de Mireille Faugère. Au-delà de sa passion pour la plongée sous-marine, Mireille Faugère dispose de deux atouts que personne ne lui conteste : sa passion pour s’immerger dans un milieu et en comprendre les ressorts secrets, et son sens de l’écoute. Et puis l’année 2010 est celle des nouveaux commencements, dans la sphère privée et professionnelle. Attention au départ…

Gilles Noussenbaum

Source : Décision Santé: 269