DE NOTRE CORRESPONDANTE
«LA VAGUE ACTUELLE de pandémie grippale aviaire semble avoir des risques de se propager à l’Amérique du Nord, via les canards migrateurs, dès le début de cet automne», annonce dans son éditorial le Dr Peter Lu, directeur et fondateur de la compagnie californienne de biotechnologie Arbor Vita Corporation (Sunnyvale). Sa compagnie, créée il y a cinq ans, s’attache à exploiter les domaines PDZ des protéines cellulaires pour développer des tests diagnostiques et des traitements dans le domaine de la grippe, du cancer et des maladies neurologiques.
Il rappelle que, si cette forme de virus influenza A (H5N1) cible avant tout les oiseaux sauvages et les volailles, elle peut infecter aussi certains mammifères. Les quelques cas humains d’infection à virus aviaire, survenus en général seulement après un contact rapproché avec des volailles domestiques, ont abouti à plus de 50 % de décès (186 cas humains, 105 décès).
«Le danger est que, si le virus s’adapte suffisamment pour permettre une transmission d’homme à homme en série, une pandémie humaine globale pourrait se développer rapidement», note-t-il.
Pour se préparer à cette éventualité, «il nous faut faire un effort majeur pour le développement de tests (de la grippe aviaire) rapides, sensibles, spécifiques, simples et peu coûteux», recommande le Dr Lu.
De façon idéale, ce test devrait, selon lui : donner une réponse en cinq minutes, pouvoir être lu par n’importe qui, être effectué sur un prélèvement aisé à obtenir, et fournir une information spécifique distinguant une souche pandémique émergente de la grippe saisonnière.
La protéine virale NS1.
Malheureusement, les technologies actuelles de détection – PCR, culture virale et test immunologique – ne répondent pas à ces exigences.
Il entrevoit des lueurs d’espoir. «La compréhension du virus de la grippe aviaire s’améliore rapidement, et certains de ces éclaircissements pourraient être exploités pour faciliter sa détection précoce.» Il donne l’exemple de la protéine virale NS1, que le virus grippal utiliserait pour inhiber les défenses de l’hôte liées à l’interféron et qui contribuerait à sa virulence. Il apparaît que cette protéine existe sous une forme spécifique dans le virus grippal aviaire ; elle pourrait donc être détectée dans un test diagnostique rapide par des agents fixant spécifiquement cette protéine. «De tels tests basés sur une cible virale non seulement permettront de détecter la grippe aviaire d’aujourd’hui mais pourraient également être capables de détecter celle de demain.»
Le franchissement des barrières d’espèces.
Dans un article de « perspective », le Dr Thijs Kuiken (Erasmus Medical Center à Rotterdam, Pays-Bas) et des chercheurs d’autres pays notent que la plupart des maladies infectieuses émergentes chez l’homme naissent dans des réservoirs animaux. Ils soulignent la nécessité, pour endiguer et éradiquer ces maladies, de comprendre comment et pourquoi certains organismes pathogènes deviennent capables de franchir les barrières d’espèces.
Les auteurs décrivent, pour le virus influenza, les différents facteurs qui entrent en jeu pour limiter la transmission et l’établissement d’une infection dans une nouvelle espèce hôte.
«L’évolution virale peut contribuer à surmonter la barrière d’espèce, principalement en affectant les interactions virus-hôte; cependant, notent les auteurs , le développement de la capacité d’une transmission soutenue chez une nouvelle espèce hôte représente un défi majeur d’adaptation parce que le nombre de mutations requis est souvent grand. »
Une importante question demeure, selon ces experts : «Quels changements génétiques permettraient au virus H5N1 actuellement en circulation d’acquérir la caractéristique de se propager efficacement chez l’homme?» Bien que les scientifiques étudient le virus influenza en culture tissulaire depuis longtemps, il existe des barrières encore inconnues au niveau des tissus et des organes in vivo qui, si elles étaient mieux comprises, pourraient aider les chercheurs à prédire et/ou prévenir la prochaine pandémie.
« Science », 21 avril 2006.
La vie à Hong Kong avec des notices, des masques, des mouchoirs...
Dans une lettre publiée par le « Lancet », le Dr Katerine Chen raconte ses retrouvailles avec sa famille à Hong Kong en ces temps de menace planétaire de grippe aviaire. Au sein de son université (Columbia, à New York), le virologue lui avait conseillé de se faire vacciner contre la grippe saisonnière, d’emmener un stock d’oséltamivir et d’éviter les élevages de poulets ; elle a pu comparer ses moyens de protection à ceux des habitants du territoire autonome chinois. Au cours des quatre jours de son séjour, elle a noté que, de façon systématique, les employés des magasins inséraient dans tous les sachets en plastique un dépliant qui provient des autorités de santé et fait le point sur les mesures préventives à adopter pour garder son organisme en bonne forme physique : manger équilibré, pratiquer régulièrement des exercices physiques, se reposer et ne pas avoir de dette de sommeil, réduire son niveau de stress, ne pas fumer et éviter les concentrations de personnes les jours où l’on souffre de grippe saisonnière ou de rhume. Le Dr Chen a noté par ailleurs que sa famille proche n’achète plus, comme elle en avait l’habitude, de volailles vivantes au marché et qu’elle a désormais adopté le poulet américain congelé.
La gynécologue américaine souligne que, dans les alentours des hôpitaux et à l’intérieur, un grand nombre de personnes portent des masques chirurgicaux ; que, pour ouvrir les portes, les habitants de Hong Kong utilisent des mouchoirs en papier qu’ils jettent aussitôt, que les boutons d’ascenseurs sont systématiquement couverts de film étirable et que des panneaux signalent à l’entrée des immeubles que les filtres de climatisation sont nettoyés chaque semaine.
« The Lancet », vol. 367, p. 240, 15 avril 2006.
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