DE « L’ALCOOLISME MONDAIN », trop souvent banalisé, à l’addiction alcoolique sévère, aux conséquences somatiques et psychiques parfois très graves, les différences ne sont pas si nombreuses, contrairement à ce que la pensée collective imagine. Un point commun réunit ces affections : le risque d’alcoolodépendance. Beaucoup plus courante qu’on ne l’imagine, cette addiction touche hommes et femmes, jeunes et moins jeunes et toutes les classes sociales.
Parmi les 48 millions de Français âgés de 15 ans et plus, 30 millions (62,5 %) sont des consommateurs d’alcool, 6 millions (12,5 % de la population adulte) sont des buveurs excessifs et deux millions sont alcoolodépendants, 400 000 sont pris en charge et 200 000 bénéficient d’un traitement spécifique.
En France, l’alcool serait responsable de 40 000 à 50 000 décès chaque année, soit plus de 10 % de la mortalité globale. «Cette moyenne connaît un pic critique entre 15 et 30ans; dans cette tranche d’âge, l’alcool est responsable de 50% des décès prématurés, via des accidents de la route, du travail ou encore des suicides», explique le Dr Philippe Batel, responsable de l’unité de traitement ambulatoire des maladies addictives à l’hôpital Beaujon (Clichy). Les conséquences de l’alcoolodépendance sont importantes : elles sont à la fois psychosociales (infractions pénales, violences, criminalité, accidents de la route...), économiques (coût sanitaire estimé à 18 milliards d’euros, soit environ de 1,2 à 1,4 % du PIB) et médicales : les effets délétères d’une consommation d’alcool supérieure à 2 verres standards par jour pour les femmes et 3 verres pour les hommes sont confirmés par tous les spécialistes ; l’alcool occasionne cancers des voies aérodigestives, cirrhose, cancer du foie, pancréatites chroniques, troubles cardio-vasculaires, neuropsychiques...
L’alcool est un important facteur de morbidité et de mortalité prématurées ; cependant, l’alcoolodépendant n’est pas considéré comme un malade, souligne le Dr Batel.
Le traitement de l’alcoolodépendance, comme celui de toutes les addictions, a d’autant plus de chance de réussir qu’il est entrepris précocement ; il s’agit donc d’être en mesure de dépister les consommateurs excessifs d’alcool. Le généraliste est souvent le premier soignant à entrer en contact avec un buveur excessif, sachant que 20 % de ses patients ont un trouble lié à leur consommation d’alcool et qu’un tiers d’entre eux sont alcoolodépendants, soit 6 % de ses patients adultes vus en consultation.
Le dialogue.
Pour repérer un buveur excessif, il n’existe pas de meilleure méthode que le dialogue. Parler avec le patient d’un potentiel problème d’alcoolisme et s’entraîner à systématiser le dépistage permet des repérages plus précoces et, donc, des interventions thérapeutiques moins lourdes et plus efficaces. Une fois l’alcoolodépendance décelée, le rôle du médecin demeure prépondérant pour préparer le patient au sevrage en fixant avec lui des objectifs d’abstinence, en l’accompagnant au cours du sevrage, étape indispensable qui ne dure pas plus de sept à dix jours en ambulatoire ou en hospitalisation et dans le maintien de l’abstinence.
Le soutien psychologique est alors primordial. Il consiste à accompagner la personne dans sa modification de la perception de l’alcool, tant d’un point de vue imaginaire que comportemental. Il est prouvé que le traitement médicamenteux contribue efficacement à réduire l’appétence à l’alcool. Le Dr Batel est catégorique : «II n’y a aucune raison de se priver de médicaments qui fonctionnent.»
Essai multicentrique randomisé.
L’étude COMBINE (COmbining Medications and Behabioral interventions for Alcoholism), publiée en mai 2006 dans le « Jama »*, est un essai contrôlé, multicentrique, randomisé, mené de janvier 2001 à janvier 2004 chez 1 383 volontaires (âge moyen 44 ans) alcoolodépendants, récemment abstinents, pour évaluer l’efficacité des traitements médicamenteux, des thérapies compor- tementales et leur association dans le traitement de l’alcoolodépendance comparée à celle d’un placebo. Huit groupes de patients ont été constitués pour recevoir un soutien médical avec seize semaines de traitement de naltrexone (100 mg/j) ou d’acamprosate (3 g/j) ou de l’association des deux avec ou sans placebo, avec ou sans intervention comportementale combinée. Un neuvième groupe bénéficiait d’une intervention comportementale combinée (sans prise de comprimés). Les critères d’évaluation primaires étaient le pourcentage de jours d’abstinence et le délai avant la première rechute (> 5 verres trois fois par semaine pour l’homme et > 3 verres trois fois par semaine pour la femme).
Les patients ont été évalués un an après l’arrêt du traitement. Dans tous les groupes, il y a eu une réduction importante de la consommation d’alcool : globalement, le pourcentage de jours d’abstinence entre l’inclusion et la fin de l’étude a triplé (de 25 à 73), la consommation d’alcool a diminué de 80 % (de 66 à 13 verres par semaine). Dans les groupes naltrexone seule plus soutien médical ou naltrexone et intervention comportementale combinée plus soutien médical, les résultats sur les critères de consommation d’alcool étaient les meilleurs.
Pendant la durée du traitement, la naltrexone a eu un effet significatif sur la prévention des rechutes et cet effet s’est maintenu pendant l’année suivante. A noter que dans le cadre d’un soutien médical, la combinaison naltrexone et intervention comportementale ne donne pas de meilleurs résultats que la naltrexone seule.
La naltrexone (Revia) se révèle un soutien fiable et important pour les patients alcoolodépendants en phase d’abstinence : elle facilite le maintien de l’abstinence et prévient les rechutes, y compris dans l’année qui suit le traitement.
* « Jama », 2006 ; 295 : 2003-2017.
Conférence de presse organisée par le Laboratoire Bristol-Myers Squibb.
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