LA CONVENTION médicale laisse toujours dubitative la Mutualité française qui protège « plus de 38 millions de personnes » à travers son réseau de mutuelles et possède 2 000 structures de soins. Son nouveau directeur général, Daniel Lenoir, se déclare « encore plus circonspect » après avoir lu l'avis de l'Ordre national des médecins. Si le texte a des « conséquences financières positives pour les médecins », explique l'ancien directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), il suscite aussi « des doutes et interrogations du côté des médecins généralistes et des spécialistes ». Surtout, affirme-t-il, la convention instaure « un maquis tarifaire » et l' « on ne voit pas très clairement apparaître le parti pris d'un parcours de soins coordonnés car les risques sont très importants ». Parmi ces risques, Daniel Lenoir redoute « un effet d'éviction du parcours de soins », dès lors que les spécialistes de secteur I sont « mieux rémunérés » avec les dépassements d'honoraires auxquels sont soumis les patients en accès direct et hors parcours.
Même s'il « ne se place pas sur le terrain de la polémique avec le secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie », le directeur général de la Mutualité française est revenu sur le débat concernant la hausse des tarifs des complémentaires santé pour 2005. Sa fédération « ne conteste pas les estimations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (Hcaam) dans une hypothèse vertueuse », soit une hausse des primes et cotisations de « 4 ou 5 points » liés à l'application de la réforme, selon un projet d'avis du Hcaam qui n'est pas consensuel à ce jour (« le Quotidien » d'hier). Le coût d'une couverture maladie complémentaire représente « une charge pour les ménages équivalente à leurs dépenses EDF-GDF », rappelle Daniel Lenoir, et « quand celles-ci augmentent de 4-5 points, cela suscite des interrogations ». De toute façon, ajoute-t-il, la moyenne d'augmentation des cotisations mutualistes étant déjà de « + 5 % » l'an passé, il note qu' « on ne peut pas durablement avoir une évolution de ce niveau-là, sinon se pose le problème de l'accès à une couverture complémentaire (et de) l'exclusion des soins ». Il pense notamment que le dispositif du médecin traitant et les parcours de soins n'auront d' « effets réels (qu') en 2006 », compte tenu de leur mise en place au 1er juillet 2005.
Le directeur général de la Mutualité française souligne surtout « la forte incertitude sur les comportements », alors même que leurs variations « vont être déterminantes sur les résultats positifs ou non de la convention ».
La Mutualité regrette que la convention n'ait pas fait l'objet de négociations tripartites avec l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance-maladie (Unoc), qui était censée être mise en place au 1er janvier. « Les conditions dans lesquelles se sont passées les négociations, y compris le calendrier, n'ont pas permis cela », déplore son directeur général.
Dans ce contexte, la Mutualité mise beaucoup sur les contrats responsables (1) pour « mettre en place une dynamique vertueuse, y compris en termes de concurrence [entre les opérateurs de complémentaire maladie, ndlr] , permettant de participer au financement de la dépense ». Le contenu du cahier des charges de ces contrats responsables devrait être discuté jusqu'à la « fin mars » entre les représentants des complémentaires santé (mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs) et le ministère. Pour Daniel Lenoir, ces contrats doivent « venir renforcer et donner un contenu au parcours de soins coordonnés », car, en l'absence d' « un certain nombre de limites », il pronostique « un effet inflationniste en faveur de dépenses qui ne sont pas indispensables ». Rappelons que l'amendement Leclerc à la loi de Finances rectificative prévoit déjà que, dans ces contrats responsables, la prise en charge par les complémentaires des dépassements d'honoraires hors parcours de soins sera nulle ou partielle.
Un siège pour la Ccam.
Au lendemain de la signature de la convention, le directeur général de la Mutualité espère en tout cas des négociations tripartites entre assurance-maladie, complémentaires et professionnels pour « la suite des opérations ». En particulier, il estime que « les complémentaires doivent être étroitement associées aux négociations sur la Ccam » (Classification commune des actes médicaux, dont le versant technique démarre le 1er mars). De façon générale, ces négociations tripartites ne doivent pas, selon lui, se limiter aux seuls médecins libéraux. Face à l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) et l'Unoc, qui ont « des intérêts convergents », la future Union nationale des professions de santé (Unps) a un rôle « extrêmement important », dans la mesure où elle « doit être amenée à arbitrer au profit de l'intérêt de l'ensemble du système de santé », cela afin d'éviter le phénomène de « désir mimétique » et « l'ouverture de surenchères » entre professions.
Mais, constate Daniel Lenoir, « la mise en place de l'Unps se fait dans la douleur et les grincements de dents », dès lors que cette instance « est en train de se diviser comme l'empire de Charlemagne au moment du traité de Verdun ! ».
La Mutualité va s'employer, quant à elle, à « tout faire pour éviter le scénario catastrophe » de la réforme, cumulant « effet d'éviction du parcours de soins », « prise en charge de tous les dépassements tarifaires sans contraintes » par certaines complémentaires santé (et obligeant les autres à les « suivre peu ou prou »), et, in fine,« baisse des taux de remboursement »...
(1) Contrats bénéficiant d'aides publiques, comme le crédit d'impôt, l'exonération de la taxe de 7 % sur les conventions d'assurances, ou les exonérations de charges sociales sur les contrats collectifs et obligatoires.
L'Union des complémentaires suspendue à un décret
La Mutualité française (Fnmf), le Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip) et la Fédération française des sociétés d'assurances (Ffsa) étaient parvenus à un accord, au début de décembre, sur la composition de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance-maladie (Unoc), qui prévoit 33 sièges, dont 17 pour la Fnmf, 8 pour la Ffsa, 7 pour le Ctip et 1 représentant du régime local d'Alsace-Moselle. Officiellement présenté le 19 janvier au secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, cet accord est maintenant « en attente d'un agrément par décret », précise le directeur général de la Fnmf. La parution de ce décret pourrait intervenir à la mi-février. S'il est acquis que le président de l'Unoc sera mutualiste, le choix de ce représentant de la Mutualité française s'effectuera sans doute le 11 février, à l'occasion de son prochain comité exécutif.
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