Communément, l’union fait la force, comme le dit un adage largement connu. C’est bien sur la base de cette volonté de synergie que l’État avait encouragé la mutualisation de moyens informatiques au sein de centres régionaux de l’informatique hospitalière (Crih). Décriés par certains, – les industriels notamment, à qui ils ont parfois fait de l’ombre – ils ont contribué à poser les bases d’une informatisation des structures hospitalières à l’échelle régionale. Le CHU jouant souvent le rôle de centre névralgique du système d’information hospitalier, ce dernier étant largement réduit à l’informatique de gestion administrative et financière. Le temps a passé, l’héritage des Crih est toujours là. Mais la majeure partie des établissements ont pris leur liberté, tentant de bâtir un système d’information coûteux en logiciels et en maîtrise d’ouvrage. Il faut pourtant y faire face. Sans moyens conséquents, la mutualisation constitue l’une des réponses à cette exigence de modernisation et d’innovation, sachant que les crédits des programmes Hôpital 2007 et 2012 ne suffiront pas. Au-delà de cette analyse économique, d’autres arguments plaident et expliquent évidemment les raisons du recours à la mutualisation. La nécessité d’une continuité des soins est ici au premier rang, tout comme le partage d’expérience et des savoir-faire. Qu’en est-il sur le terrain où plus d’un acteur n’a pas attendu la loi HPST pour convoler en justes noces dans certains domaines d’activités ?
Modèle ASP, neutralité et partage des coûts
À Valenciennes, le centre hospitalier local et l'Association hospitalière Nord Artois-cliniques (Ahnac), qui relèvent de deux secteurs différents, l’un public et l’autre privé, ont décidé d’unir leurs forces dans les domaines où ils ont des besoins identiques. Engagés dans une modernisation architecturale de leurs sites, ils ont profité de cette occasion pour jouer la synergie et lancer une démarche de spécialisation de certains services. Le centre hospitalier s’occupe de la cardiologie et des urgences ; de leur côté, les cliniques de l’Ahnac se chargent de la pneumologie. En réorganisant la dimension fonctionnelle d’une partie de leurs activités, les deux partenaires se sont trouvés de fait confrontés à la problématique du devenir de leurs outils. Préoccupés par la nécessité d’intégrer chacun un dossier patient informatisé, ils ont profité de leur stratégie de coopération pour recourir à une plate-forme commune.
Le projet qui a été lancé en vue de sélectionner un SIH commun a eu comme première étape une spécification des besoins prenant en charge les attentes de chacun des deux établissements. Un cahier des charges a été réalisé également dans une logique synergique. Il a permis de lancer une consultation publique, en l’occurrence un appel d’offres sur performance. Objectif : sélectionner et intégrer une plate-forme de production de soins. Vu leur situation particulière, les deux établissements de soin ont décidé de recourir à une solution ASP. Elle a le mérite de proposer un logiciel mutualisé avec des données communes. L'exploitation et les charges de maintenance reviennent aux deux membres de cette coopération. Cela dit, chaque collaborateur des deux hôpitaux aura accès à un espace sécurisé et correspondant à son profil.
Après avoir analysé les différentes solutions du marché et leur capacité à s'adapter à leurs besoins, les deux acteurs ont opté pour le pack Cerner. Synergie dans les choix, mutualisation des forces dans la conduite de projet. Les équipes des deux établissements interviennent dans le paramétrage de l’outil et participent au développement des bibliothèques métiers. Des outils qui pourront servir à terme à d’autres établissements hospitaliers, dans une logique de synergie.
En partenariat avec l’éditeur américain retenu, l’équipe de projet avance dans ses réalisations. Les cliniques de l’Anhac bénéficient progressivement de la solution de gestion administrative. Pour le dossier patient, il faudra attendre un peu. Du côté du centre hospitalier, le calendrier prévoit une mise en production du dossier administratif au début de l'année 2011. Le module de gestion des soins sera mis à disposition des utilisateurs un peu plus tard.
Entre le centre hospitalier de Dieppe et le CHI Elbeuf-Louviers, la mutualisation est consommée à travers la mise en place d’un comité de pilotage dédié au déploiement de leur système d’information hospitalier. Ils ont lancé un dialogue compétitif au terme duquel ils ont opté pour le progiciel Clinicom de Siemens pour gérer les activités soignante, paramédicale, médicale et administrative. Réalisé au dernier trimestre 2009, ce choix a été effectué à partir d’une couverture fonctionnelle détaillée et commune aux hôpitaux.
Corollaire du projet de modernisation des applications, les infrastructures sont également concernées. Objectif : les adapter aux nouveaux environnements de travail. Dans l’un des deux hôpitaux, cette couverture est composée d’une couche cliente proposant une batterie de terminaux légers sous Citrix protégés par un mécanisme de Single-Sign-On (SSO). Ces écrans d’accès sont alimentés par des serveurs, lesquels sont virtualisés dans un environnement VMWare, ce qui permet de limiter le nombre de plates-formes. Enfin, la couche de stockage s’appuie sur des baies du fournisseur EMC.
Bénéficiant d’un financement de la seconde tranche du programme Hôpital 2012, ce projet est l’occasion pour le CHI Elbeuf-Louviers et le CH de Dieppe d’aller plus loin dans la mutualisation en mettant en œuvre des moyens communs, qu’ils soient humains ou matériels.
La solution qui est mise en place dans cette philosophie est conforme aux exigences sanitaires des hôpitaux publics et aux besoins actuels des établissements, parmi lesquels la mobilité, la sécurité et la confidentialité. Après des travaux de cadrage, de conception et de paramétrage mutualisés, le déploiement sera effectué sur les deux sites, dans des conditions identiques. Les premières livraisons sont attendues pour la fin de l'année 2010. Il s’agira de la gestion médico-administrative.
Phare pourra-t-il illuminer la Picardie ?
En Picardie, le projet Phare constitue une forte illustration de la logique de mutualisation de moyens entre différents établissements, neuf au total, dans une première phase. Ces derniers se sont mis autour d’une table pour définir les conditions du développement d’une plate-forme hospitalière commune.
La forme de coopération retenue emprunte un des deux outils préconisés par le ministère de la Santé en l’occurrence un GCS (Groupement de coopération sanitaire). De par son ampleur, ce programme qui concerne 5 000 lits et compte parmi ses membres le CHU d’Amiens, les centres hospitaliers de Compiègne et de Beauvais, entre autres, est plutôt critique. Les multiples membres ayant des outils différents et parfois obsolètes, voire embryonnaires. À notre connaissance, le CHU d’Amiens est le seul à disposer d’un système d’information hospitalier conforme aux standards actuels du marché. Embarquer l’ensemble de ces sites dans une opération d’intégration d’un outil unique nécessite une conduite de projet rigoureuse et des compromis.
Un premier appel d’offres lancé pour sélectionner une plate-forme logicielle avait abouti au choix d’un outil américain, ce qui signifiait de fait la remise en question des choix de plus d’un établissement et tout particulièrement celui du plus grand, le CHU d’Amiens. Plus d’un observateur ne vendait pas cher la peau de cette décision balayée un peu plus tard. Exit l’éditeur initialement retenu, place à Medasys, sélectionné en avril 2010. Reste à conduire ce projet et à le mener à bout pour voir Phare briller sur toute la Picardie. Ce n’est pas gagné pour autant.
Comment boucler ce panorama sans aborder le cas du département de l’Indre où le CH de Châteauroux joue la coopération avec d’autres acteurs du département ? Dans le cadre des règles de l’art, il devient le moteur de la refonte de l’offre de soins d’un bassin de plus de 230 000 patients. Un exemple, il mobilise des praticiens auprès des urgences du CH du Blanc. Une antenne d’hospitalisation à domicile et du SMUR y a aussi été créée. L’obstétrique fonctionne également dans cet établissement grâce à la participation à temps partiel de médecins du CH de Châteauroux. Sur la base d’un GCS, la gestion du centre de psychothérapie de Gireugne revient également à cet hôpital.
À l’heure des grandes économies, la mutualisation s’impose de plus en plus, dans une dimension territoriale, permettant ainsi de mutualiser les coûts. Elle permet également de garantir la continuité des soins, même si dans certaines localités, elle se traduit par la fermeture de sites, provoquant ainsi le courroux des villageois. Sur le plan technologique, cette nouvelle approche synergique prend le contre-pied du modèle de Crih tant décrié. Avec comme juge de paix informatique, les modèles ASP et Saas du fait de leur capacité à confier les outils utilisés à un tiers de confiance. On l’a vu, le premier est à l’œuvre à Valenciennes, le second en Rhône-Alpes, dans le cadre du projet Dossier partagé informatisé/hôpitaux locaux de Rhône-Alpes (DPI-HL RA).
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