Le léiomyome multiple est une affection transmise sur un mode autosomal dominant, qui se traduit par l'apparition, chez l'adulte jeune, de tumeurs bénignes du muscle lisse au niveau de la peau et de fibromes utérins. Ce phénotype typique est toutefois d'une grande variabilité selon les familles et les individus. En outre, certaines familles atteintes de léiomyome multiple sont également sujettes au carcinome rénal papillaire.
Les études de ségrégation de marqueurs, menées dans des familles britanniques et finlandaises, avaient déjà permis de repérer, sur le chromosome 1, un gène coségrégant avec la maladie et se comportant apparemment comme un classique gène suppresseur. C'est l'identification de ce gène qui est rapportée dans « Nature Genetics ».
Les auteurs ont commencé par affiner la localisation du gène recherché grâce à des marqueurs supplémentaires, puis ont tiré profit de deux délétions découvertes dans des familles britanniques pour réduire encore l'intervalle. A l'intérieur de celui-ci restaient encore une cinquantaine de gènes, parmi lesquels six connus, dont celui de la fumarate hydratase (FH). Le séquençage et la mise en évidence, dans ce dernier gène, de mutations dans les familles atteintes ont permis de mettre en cause le gène FH.
Activité FH réduite
Les analyses comparatives entre les tumeurs et les tissus environnants ont confirmé ce résultat. Dans le tissu environnant, en effet, les différentes mutations ont pu être mises en évidence à l'état hétérozygote, tandis que l'activité FH était réduite par rapport aux valeurs normales. Dans les tumeurs elles-mêmes, l'allèle sain du gène FH avait soit disparu, soit acquis une mutation inactivante, tandis que l'activité enzymatique était résiduelle ou nulle. C'est donc bien l'acquisition secondaire d'une mutation sur l'allèle sain du gène FH qui provoque l'apparition de tumeurs bénignes chez des individus portant un allèle inactivé.
Divers points restent à préciser, en particulier la relation entre type et localisation de la mutation dans le gène et phénotype. On sait que celui-ci présente une certaine variabilité. Il est donc probable que des mutations plus ou moins inactivantes, transmises héréditairement, différencient les familles et que des mutations plus ou moins inactivantes, acquises secondairement, différencient les individus.
Se pose aussi la question du cancer du rein. Sur sept tumeurs malignes analysées, cinq présentaient une perte allélique et les deux autres, respectivement, une délétion de 2 pb, entraînant un décalage de lecture, et une substitution d'un acide aminé très conservé. Ces observations confirment le rôle du gène FH dans l'apparition de cancer du rein chez certaines familles atteintes de léiomyome multiple. Mais elles ne permettent pas de différencier les familles avec et sans cancer du rein. On doit donc envisager l'intervention d'autres gènes et/ou de facteurs environnementaux.
Quels que soient les développements ultérieurs, cependant, on reste surpris de trouver un gène participant au métabolisme cellulaire le plus « élémentaire », impliqué dans des phénomènes de prolifération cellulaire. Là où on aurait attendu un gène et un produit impliqués, dans la division cellulaire, le contrôle du cycle, l'apoptose, c'est le cycle des acides tricarboxyliques qui ressort. Les auteurs suggèrent deux hypothèses liées à la perturbation du métabolisme oxydatif par blocage du cycle de Krebs : l'apparition d'une hypermutabilité liée à l'accumulation de résidus oxydants ou la perturbation du cycle cellulaire et, peut-être, l'activation de signaux angiogéniques. La première hypothèse est peu vraisemblable, puisque l'on n'observe pas d'accumulation de mutations dans le génome des patients. Quant à la seconde, elle est en fait moins qu'une hypothèse et demande d'abord à être précisée.
En attendant d'en savoir plus sur la manière dont une perturbation du cycle des acides tricarboxyliques peut promouvoir une prolifération cellulaire, on doit admettre que le cercle des gènes à effets prolifératifs est beaucoup plus large qu'on ne l'a supposé jusqu'à présent, cela pour les tumeurs bénignes et, probablement aussi, pour les tumeurs malignes.
The Multiple Leiomyoma Consortium, « Nature Genetics », DOI :10.1038/ng849.
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