« Une récente étude américaine montre qu'en l'absence de transfusion le risque de décès maternel est multiplié par 44 chez les femmes Témoins de Jéhovah » (1), souligne le Pr Bruno Carbonne, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Pour la profession (2) qui se dit « alarmée » par l'ordonnance du tribunal administratif de Lille du 25 août donnant raison à une femme Témoin de Jéhovah transfusée contre son gré à l'hôpital de Valenciennes (« le Quotidien » des 6 et 9 septembre), il n'est pas question d' « être complice de cette euthanasie passive ». « Le recours aux transfusions sanguines est devenu extrêmement rare en France depuis le procès du sang contaminé (...), mais il y a des situations » où elles restent nécessaires « pour éviter des décès », affirme le praticien.
« La France a un des taux de mortalité maternelle par hémorragie parmi les plus élevés d'Europe et, selon le travail du Comité national d'experts (CNE) qui analyse chaque cas de décès, le retard à la mise en route des traitements de l'hémorragie est le principal facteur de risque d'une évolution fatale », ajoute-t-il.
Le CNE, présidé par le Pr Gérard Lévy, a été créé par le ministère de la Santé en 1995. En 1995-1997, le pays avait une mortalité maternelle de 10,4 pour cent mille, contre 9,5 chez les Quinze. L'hémorragie, en général, arrivait en tête des causes de décès (18,6 %), devant l'hypertension (15,6 %), les maladies thromboemboliques (10,5 %), les embolies amniotiques (7,6 %) et les infections (4,2 %). Au Royaume-Uni, où le taux de mortalité maternelle était de 7 pour cent mille en 1990-1994 (3), les premières causes de décès sont les complications de l'hypertension artérielle et les complications thromboemboliques, indique au « Quotidien » le Pr Carbonne. A Valenciennes, Mme X souffrait d'une hémorragie consécutive à un accouchement qui pouvait menacer sa vie.
« La surenchère de la judiciarisation de la médecine est en train de se confirmer », estime le représentant du CNGOF, qui se demande s'il ne faut pas dorénavant « choisir entre un procès pour non-assistance à personne en danger ou un autre pour non-observance de la loi Kouchner sur les droits des malades » du 4 mars 2002. « Comment imaginer que, même muni de documents attestant le refus de la transfusion, un médecin assiste au décès d'une jeune femme qui vient de donner naissance à un enfant, sans avoir recours à tous les moyens dont il dispose ? », s'interroge le gynécologue.
(1) Cf. Singla, « American Journal of Obstetrics and Gynaecology », n° 185, pp. 893-895.
(2) 49 % sont des libéraux exclusifs et 21 % des hospitaliers du secteur public à temps complet.
(3)Pour la même période, 5,5 pour cent mille en Finlande, 5,6 au Danemark, 6 en Norvège, 6,2 en Autriche , 9,5 au Portugal et 14,5 en Hongrie.
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