Une métaanalyse chez plus de 200 000 diabétiques

La mortalité liée au diabète de type 1 plus élevée de 40 % chez les femmes par rapport aux hommes

Publié le 09/02/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les femmes ne doivent pas compter sur une protection hormonale au cours du diabète de type 1. Ce serait même l’inverse. Selon une métaanalyse menée chez plus de 200 000 sujets diabétiques et publiée dans « The Lancet Diabetes and Endocrinology », les femmes diabétiques ont un excès de mortalité augmenté de 40 % par rapport aux hommes. Et l’effet du diabète s’affirme plus nettement encore pour la santé cardiovasculaire, l’excès de mortalité serait même doublé.

Le diabète de type 1 augmente la mortalité par rapport à la population générale, à la fois chez les sujets jeunes et les moins jeunes. Chez les sujets âgés, la mortalité cardio-vasculaire est multipliée d’un facteur 10 par rapport à la population générale. Si des différences entre les sexes ont déjà été décrites, en terme d’équilibre glycémique et d’observance, au détriment des femmes, il n’y avait que très peu de preuves mettant en évidence une vulnérabilité féminine cardio-vasculaire.

« Les femmes vivent plus longtemps que les hommes, a exposé le Pr Rachel Huxley, de la School of Public Health de l’université du Queensland (Australie) et auteur principal. Mais, nos travaux montrent que chez les femmes ayant un diabète de type 1, cette "protection féminine" semble disparaître et les décès excédentaires chez les femmes diabétiques de type 1 sont plus élevés que chez les hommes atteints ». Le Pr Philippe Froguel, diabétologue à Lille et président de la Société francophone de diabétologie, partage la même analyse : « Le phénomène est bien décrit dans le diabète de type 2, au cours duquel les femmes arrivées à la ménopause rattrapent le risque cardiovasculaire des hommes. Voire en pire que les hommes ».

Une surmortalité surtout cardiovasculaire

Le scénario du « pire chez les femmes » semble avoir cours dans le diabète de type 1. Et la métaanalyse ne pêche pas par manque de robustesse. L’équipe australienne a sélectionné 26 études, dont 19 provenant de registres, 6 d’études de cohortes et 1 étude issue d’une base de données de médecine générale, totalisant 214 114 sujets diabétiques, pour un suivi étalé sur les 5 dernières décennies (janvier 1996 à novembre 2014). La quasi-totalité était menée dans des pays développés occidentaux (États-Unis, Europe, Australie/Nouvelle-Zélande), deux en Asie (Taïwan, Japon). Au total, 15 273 décès ont été enregistrés.

Outre la mortalité toutes causes, les épidémiologistes australiens ont mesuré plus spécifiquement la mortalité par maladie coronarienne, par accident vasculaire cérébral (AVC), de cause cardio-vasculaire (critère composite associant maladie coronarienne + AVC + autres), par maladie rénale, par cancer et par accident et/ou suicide. Il s’est avéré dans l’étude que l’excès de mortalité chez les femmes était « le plus extrême » pour les événements macrovasculaires, incluant maladies cardiovasculaires et rénales. Aucune différence hommes/femmes n’a été constatée pour les décès par cancer ou par accident/suicide.

Troubles alimentaires, sous-dosage en insuline

La surmortalité cardiovasculaire des femmes diabétiques peine malgré tout à s’expliquer de façon bien claire. Plusieurs facteurs semblent être mis en jeu. Les auteurs mettent en avant un contrôle glycémique plus difficile, sur les glycémies et les taux d’HbA1c, en particulier chez les jeunes femmes par rapport aux jeunes hommes, malgré un recours plus fréquent aux pompes à insuline. Ils avancent également une « propension plus grande aux troubles alimentaires et au sous-dosage en insuline ». À moins que le risque macrovasculaire ne soit dû à un émoussement encore plus précoce de l’effet protecteur hormonal en raison du dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-pituitaire fréquemment associé au diabète.

« Les grossesses, surtout si elles sont compliquées, sont des facteurs aggravants connus, estime le Pr Froguel. L’obésité, le tabac et la pilule, surtout combinés, ont des effets délétères cardio-vasculaires bien connus ». Pour le Pr Huxley, ces différences marquées entre hommes et femmes ne seront pas « avoir des implications cliniques profondes sur la manière dont les femmes diabétiques sont traitées et prises en charge au cours de leur vie ».

Objectifs thérapeutiques plus stricts ?

Dans un éditorial, le Pr David Simmons, qui travaille à la fois à l’université de Sydney (Australie) et à l’Addenbrooke’s Hospital de Cambridge (Royaume-Uni) pose la question de fixer des objectifs thérapeutiques plus stricts : introduction plus précoce des statines plus précoce, contrôle artériel drastique avant l’âge de 40 ans. Pour le Pr Froguel, les recommandations sont déjà strictes en France, mieux vaut chercher à «sensibiliser davantage les femmes au risque cardio-vasculaire et insister sur les messages de prévention, en priorité l’arrêt du tabac et l’hygiène alimentaire ».

The Lancet Diabetes and Endocrinology, publié en ligne le 5 février 2015

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9385