Idées
REPRENANT ce qu’il a développé dans ses livres précédents, Bernard Stiegler remet à plat l’histoire de l’essor industriel occidental. Il se fait au XIX e siècle autour de l’automobile et du pétrole. Une dyarchie induisant le modèle consumériste de l’Occident, qui sera renforcé par les industries de programmes, les industries culturelles de diffusion médiatique, dont la télévision est le modèle emblématique.
La bagnole et la télécratie, coûteuse pollution et temps de cerveau disponible pour Coca-Cola, ont formé l’attelage débilitant que l’on sait, car pour Stiegler une innovation technologique est inséparable des désirs qu’elle satisfait, et d’une opposition entre la « pulsion » que la publicité exacerbe et la « sublimation » qui est une conduite positive de création.
Aujourd’hui, dit l’auteur, « le modèle industriel consumériste est mort, c’est-à-dire révolu : nous vivons en cela une révolution. Cette révolution est la fin d’un monde. Mais ce n’est pas la fin du monde. »
À ce modèle qui relève de l’injonction verticale, « Consommez, distrayez-vous ! », Bernard Stiegler oppose l’horizontalité réticulaire, comprenez l’universel maillage salvateur du Net, qui pourtant a, selon lui, favorisé la mondialisation consumériste dans un premier temps, et accentué le découplage entre le monde de la production et sa financiarisation. D’où l’éclatement de la crise actuelle, à partir de la bulle liée aux subprimes.
Notons que les penseurs n’ont, pas mieux que les économistes, vu venir la crise dans son détail et se contentent de faire dans l’illusion rétrospective du « Je vous l’avais bien dit ! ». Pour le reste, tout tient parfois à l’esbroufe du langage. « La mécroissance est déséconomie », tonne Stiegler. Un peu comme la mésaffection résulte du désamour...
Remarquons que dans l’univers stieglerien, la croissance, qui était le nom du consumérisme capitaliste, était déjà destructrice et auto-condamnée. « La question est alors d’identifier les possibilités de constitution d’un nouveau système. » C’est, dit l’auteur, du côté de « l’externalité positive induite par les technologies relationnelles numériques » qu’il faut se diriger.
« Vous n’avez pas le droit de critiquer Bergson, vous n’êtes pas bergsonien », s’était vu jadis reprocher un étudiant. Reposant sur des rafales d’affirmations jugées incontestables, partant jamais explicitées, les ouvrages de Stiegler - qui a le mérite d’avoir fait redécouvrir Gilbert Simondon - tiennent pour acquis que nous sommes de stupides pâtes à modeler que la pub et la télé conditionnement totalement. Pourtant, Baudrillard et Debord, ça commence à dater un peu...
Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré, « Pour en finir avec la mécroissance - Quelques réflexions d’Ars Industrialis », Flammarion, 296 pages, 20 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature