Théâtre
C'était un homme discret qui ne détestait pas le pouvoir. Il avait rêvé du Français, il ne s'en cachait pas et c'est Jacques Toubon, alors ministre de la Culture et de la Communication, qui le nomma au cur de l'été 1992, déclenchant une sévère polémique puisqu'il fallait alors remercier Jacques Lassalle. Cela avait été le seul épisode un peu bousculé d'une carrière ferme. Mais Jean-Pierre Miquel était un choix très légitime et, des huit années passées à la tête de la Comédie-Française, on retiendra son travail de réformateur de la grande Maison.
Il aimait le théâtre et la mer. Lorsqu'il disparaissait de Paris, c'était pour naviguer au loin. Il s'était très tôt engagé du côté des tréteaux, dès la Sorbonne. Il gardera toujours de ces années au « Théâtre antique » le goût des classiques, une rigueur certaine dans la manière de saisir les chefs-d'uvre du répertoire ou les textes contemporains qu'il aimait monter et pour lesquels, souvent, il dessinait les décors.
Avec Pierre Dux, il prend la responsabilité de la programmation de l'Odéon. Puis, à l'orée des années quatre-vingt, il succède à Robert Hossein à la Comédie de Reims. Il réunit autour de lui les jeunes metteurs en scène de l'époque, Daniel Romand, Pierre Romans. Il partage.
Nommé directeur du Conservatoire national supérieur d'art dramatique, il y entame un travail de réforme très fertile, se souciant et du recrutement des élèves, et du choix des professeurs, et des cursus et des liens avec les autres institutions de formations. Dans ce droit fil, au Français, il engage également des transformations structurelles profondes. Bien sûr, avec la Troupe, ses relations sont parfois difficiles. Il néglige certains interprètes, telle la formidable Christine Fersen, sans que l'on puisse comprendre ses raisons ; Philippe Torreton partira en claquant violemment la porte en fustigeant l'absence de vision artistique de l'administrateur général. On n'est pas patron d'un tel navire sans essuyer des tempêtes.
Acteur, il tournait pas mal pour le cinéma. Les réalisateurs aimaient cet homme élégant et sensible, douloureux. Metteur en scène, ses goûts le portaient à la redécouverte des grands classiques (Surena, Sertorius) ou à créer des auteurs du temps : Louis Calaferte qu'il aura défendu bec et ongles et Jean-Claude Brisville dont il avait créé comme acteur et metteur en scène, au côté d'Henri Virlogeux, « le Fauteuil à bascule », avant, entre autres pièces, « l'Entretien de Descartes et de Monsieur Pascal le jeune » et le fameux « Souper » qui mettait face à face pour le régal du public Claude Brasseur et Claude Rich.
Atteint par la limite d'âge, il avait quitté le Français non sans laisser un livre « la Ruche » (éditions Actes Sud) dans lequel on devinait un peu cet homme secret. Le ministère lui avait accordé le statut de compagnie. Il rêvait d'un nouvel épisode de son parcours artistique. Mais la maladie en a décidé autrement.
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