DE NOTRE CORRESPONDANTE
CAPIO, SEULEMENT dix ans d'existence, coté en Bourse à Stockholm, est déjà présent dans sept pays européens, notamment dans toute la Scandinavie, en Grande-Bretagne et en France. Le groupe rassemble plus de 14 000 professionnels de santé, dont 3 600 médecins, et pèse 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires (CA).
Pour Paul Hökfelt, directeur général de Capio Santé, l'explication de ce succès est double : « Capio ne fait, d'abord, qu'un métier - l'hospitalisation et, en annexe, le diagnostic. Ensuite, nous croyons que ce métier peut lier efficience et qualité. »
En France, le groupe a fait une percée remarquée lors du rachat à Suez, en 2002, des seize cliniques du groupe Clininvest. Une année plus tard, la filiale française se portait acquéreur du plus gros hôpital privé de l'Hexagone : la clinique des Cèdres à Toulouse. Aujourd'hui, Capio Santé, qui réalise 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en France, compte encore grossir : « Des discussions sont en cours sur deux vrais projets », confirme Paul Hökfelt, en précisant qu'ils se concrétiseront d'ici à la fin de l'année.
Un pari.
Pourquoi Capio s'intéresse-t-il aux cliniques françaises, alors que les marges dégagées restent faibles ? Le groupe suédois mise sur les restructurations engagées, mais également sur l'évolution de la politique tarifaire et sur les réformes à venir : « Nous investissons sur des entités importantes ou qui peuvent être rendues importantes, indique Paul Hökfelt, mais nous pensons aussi que le système très restrictif qui limite le développement de certaines activités, telles que l'ambulatoire, va s'assouplir ». En parallèle, la filiale française n'hésite pas à se séparer d'établissements, tels que la polyclinique Marzet, de Pau, ou, a contrario, à se polariser sur les cliniques prometteuses, comme les Cèdres à Toulouse.
En effet, si les comptes de cette dernière étaient dans le rouge depuis 2001, ils ne le sont plus à ce jour, « grâce à la mise en œuvre d'actions rapides de gestion », commente Paul Hökfelt. Une réflexion sur l'optimisation de cette gestion est en cours avec les médecins de la clinique. En outre, des investissements extrêmement lourds (30 millions d'euros) vont être engagés pour mener à bien la restructuration des bâtiments. Un projet qualifié d' « ingénieux » par un délégué CGT de la clinique, qui souligne « un climat de confiance restauré ».
En règle générale, le groupe compte beaucoup sur la médicalisation des équipes de management. Pour améliorer la qualité et l'efficience des soins, il a également recours à des outils : une enquête annuelle de satisfaction conduite auprès des patients et des études de benchmarking, pour identifier les pratiques dotées du meilleur rapport coût/efficacité. Au final, le groupe ne veut conserver que des pôles d'excellence. Mais son ambition va au-delà. Alors qu'il assure déjà la gestion de prestigieux hôpitaux publics en Suède, Capio a signé en mai 2004, en Grande-Bretagne, le plus gros contrat de soins de santé jamais accordé à un opérateur privé, prévoyant la mise en place de huit centres d'orthopédie et de chirurgie générale. En France, « nous aimerions bien travailler dans ce sens et mettre en place des collaborations avec le public », confie Paul Hökfelt. Aussi la réforme de l'hôpital est-elle attendue avec impatience. La T2A (tarification à l'activité) aussi, bien que le directeur de Capio Santé observe, non sans ironie, qu'elle est conçue « à la française».
Globalement, l'arrivée d'un tel opérateur étranger sur le marché français de l'hospitalisation privée est perçue comme une planche de salut et comme une ouverture : « Ils apportent plus de rigueur dans la gestion et portent un regard différent sur les patients », estime le président de la Fédération hospitalière de Rhône-Alpes, Jean-Loup Durousset. Mais cet éloge est assorti d'une crainte inhérente à la constitution même de ce groupe : « On assiste parfois à des changements d'actionnaires et d'orientation brutaux », rappelle-t-il. Or Capio se démarque par un actionnariat essentiellement composé de fonds de pensions, « lesquels se révèlent souvent soucieux de ne pas prendre de trop gros risques financiers », confirme une économiste lyonnaise.
Des incertitudes sur la poursuite de l'offensive des groupes privés demeurent. Dans une thèse consacrée à la restructuration des cliniques privées (1), l'universitaire David Piovesan souligne une situation « caractérisée par une fragilité financière » et un risque « d'éclatement de la bulle spéculative, dans les prochaines années ».
(1) « Les restructurations des cliniques privées : adaptation, évolution ou métamorphose ? », décembre 2003, Ifross, université Lyon-III.
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