QUOIQUE AMATEUR de ces oratorios sacrés, on se rendait un peu à reculons pour entendre la « saint Jean », plus courte que la « saint Matthieu », qui décrit tout le Chemin de croix, mais beaucoup plus ciblée sur la Crucifixion, sachant qu'elle était confiée à Robert Wilson, homme de talent, certes, mais dont on commence à Paris à être un peu saturé du fait d'une esthétique très répétitive d'un opéra à l'autre. Wilson n'aura donc rien fait d'autre que du Wilson, avec ses éclairages virtuoses, ses ombres chinoises, son hiératisme. Mais est-ce parce que l'action sacrée de cette Passion, la lenteur formelle que Bach lui a imprimée, avec ses airs qui suspendent l'action et ses grands choeurs d'entrée et de clôture, ses chorals statiques, conviennent mieux au style Wilson ? Le metteur en scène américain raconte dans un passionnant film, « Absolute Wilson », sa jeunesse imprégnée de religion dans un contexte familial méthodiste avec une forte culture biblique. Toujours est-il qu'on a passé un superbe moment, deux heures de magie avec des chanteurs-comédiens habillés somptueusement par Frida Parmeggiani, des éclairages, des niveaux d'action très bien étalés sur la grande scène. A souligner, l'apparence et la présence de certains des chanteurs, comme Lucas Pisaroni, plus Jésus que nature, le Pilate fourbe de Simon Kirkbride, l'altiste Andreas Scholl, magnifique de stature dans sa belle robe lie de vin, et surtout l'Evangéliste de Pavol Breslik, si théâtral. On peut faire aux mêmes autant d'éloges pour leurs qualités vocales, ainsi qu'à Emma Bell, superbe dans les airs de soprano, au ténor Finur Bjarson et à la basse Christian Gerhaher, cela malgré quelques différences dans la projection vocale dues au mélange entre de vrais chanteurs d'opéra et des solistes d'oratorio.
Manque de souffle.
La présence sur scène de la chorégraphe Lucinda Childs, collaboratrice de Wilson pour certains mouvements, était vaguement agaçante mais peu dérangeante. La déception est venue de la direction musicale un peu courte d'Emmanuelle Haïm. Très habile à manier la masse chorale – l'excellent choeur du Concert d'Astrée, excellemment préparé par Denis Comtet –, elle n'a pas réussi à insuffler à son ensemble instrumental le grand souffle dramatique qui traverse cette Passion et à la rendre théâtrale, effrayante, telle qu'elle est réellement. Tant qu'à montrer cet épisode hautement symbolique, autant le faire entendre aussi. C'était le point faible de ce beau spectacle.
Théâtre du Châtelet : 01.40.28.28.40 et www.chatelet-theatre.com. Prochain spectacle : « Thaïs », de Massenet, en version de concert, direction Christoph Eschenbach avec Renée Fleming, Barry Banks, Laurent Alvaro ; les 16, 19 et 21 avril.
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