C’EST AU DéBUT des années 1970, grâce aux travaux de Milton et Wendlandt, puis à ceux de Vane, que les mécanismes moléculaires de la fièvre ont commencé à être compris. Il est alors apparu que ce processus de défense de l’organisme est induit par l’activité pyrogénique des prostaglandines de la série E (PGE), et plus particulièrement par celle de la prostaglandine PGE2. Mais, depuis lors, une question n’a cessé de faire débat : d’où la fièvre démarre-t-elle ? La PGE2 responsable de la montée en température d’un organisme mammifère en réponse à l’infection est-elle produite dans le cerveau ou dans les organes périphériques ?
Si l’hypothèse d’une origine centrale de la fièvre a longtemps remporté la majorité des suffrages, sa véracité n’a jamais pu être démontrée. De plus, certaines données contredisaient cette théorie. Lors d’expériences conduites chez l’animal, l’accélération de la production des enzymes nécessaire à la biosynthèse de la PGE2 dans le cerveau intervient en effet une demi-heure après la montée de la fièvre.
Steiner et coll. ont donc décidé d’étudier l’hypothèse bien moins populaire selon laquelle la montée de la fièvre serait induite par de la PGE2 d’origine périphérique.
La barrière hématoméningée.
Les chercheurs ont commencé par tester, chez le rat, l’effet d’une injection intraveineuse de PGE2 complexée à de l’albumine (l’albumine est le principal transporteur de la PGE2 dans les organismes mammifères). Cette expérience préliminaire leur a permis d’observer qu’un apport périphérique de prostaglandine permet d’induire une fièvre. Cependant, cette expérience ne permettait pas d’exclure que la substance injectée en périphérie agit à partir du cerveau des animaux, après avoir franchi la barrière hématoméningée.
Pour trancher définitivement cette question, Steiner et coll. ont eu l’idée d’utiliser des anticorps anti-PGE2. Ces protéines permettent d’inactiver la prostaglandine, mais sont bien trop volumineuses pour franchir la barrière hématoméningée. Administrées par voie intraveineuse, elles vont inhiber l’activité des molécules de PGE2 périphériques, mais pas celle des molécules produites au niveau du cerveau.
Ces anticorps ont été injectés à des rats qui ont ensuite reçu une dose de lipopolysaccharides connus pour la capacité à induire une hyperthermie. Il est apparu que le prétraitement par les anticorps conduit à une atténuation très significative de la fièvre induite par les lipopolysaccharides. Ce résultat suggère que le démarrage de la fièvre dépend majoritairement des PGE2 d’origine périphérique.
Les poumons et le foie.
Steiner et coll. ont poursuivi leurs travaux en recherchant la localisation précise de la néosynthèse de PGE2 associée à la montée de la température. Dans ce but, ils ont procédé aux dosages de diverses enzymes impliquées dans la biosynthèse des prostaglandines (COX-2, p-cPLA2 et mPGE-1) ainsi qu’à des expériences d’immunohistochimie. Ces analyses ont été menées à la fois dans des tissus cérébraux et dans des tissus périphériques. Elles ont permis de confirmer que le démarrage de la fièvre n’est pas associé à une augmentation de la biosynthèse de PGE2 au niveau cérébral. En revanche, une augmentation de la quantité de la protéine COX-2 et l’activation des molécules de p-cPLA2 ont été détectées dans les poumons et le foie des animaux en pleine phase d’ascension thermique, principalement au niveau des macrophages.
L’ensemble de ces données indique donc de manière très convaincante que la montée de la température est associée à une augmentation de la production périphérique de PGE2, principalement au niveau des macrophages pulmonaires et hépatiques. Steiner et coll. précisent que si ce résultat contredit les théories selonlesquelles la fièvre aurait une origine centrale, elle ne va pas à l’encontre des données suggérant l’existence d’un rôle central de la PGE2 produite dans le cerveau dans les phases ultérieures de l’état fébrile.
A. Steiner et coll., « PLoS Biology », septembre 2006.
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