LA MALADIE D’ALZHEIMER (MA) touche en France autour de 855 000 personnes, avec plus de 225 000 nouveaux cas par an. Le retard au diagnostic est considérable, avec un délai de deux ans environ entre les premiers symptômes caractéristiques et le diagnostic. Le diagnostic n’est porté que dans un cas sur deux lors de maladie avérée, et chez une personne sur trois au stade précoce de la démence. Or, s’il n’existe pas actuellement de traitement curatif, nous disposons de traitements médicamenteux, comme les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (IAC) et la mémantine, capables de freiner son évolution. Les IAC sont d’autant plus efficaces qu’ils sont administrés tôt dès les premiers stades de la maladie. Il est donc indispensable de porter le diagnostic à un stade où il n’y a pas encore de dépendance pour les activités essentielles de la vie quotidienne et où les troubles du comportement ne sont pas majeurs, afin de freiner l’évolution vers la perte d’autonomie et d’améliorer la qualité de vie des malades et de leurs proches.
Les obstacles mieux cernés.
Les obstacles au repérage précoce, multiples, sont liés à la maladie elle-même, difficile à diagnostiquer à son début, du fait d’une confusion entre démence et vieillissement cérébral normal puisqu’il n’existe pas de test diagnostic simple permettant de les différencier précocement. L’existence d’une anosognosie et d’un déni des troubles complique la situation, ainsi que l’existence d’autres déficiences qui altèrent les performances cognitives. Contribue également à cette sous-estimation de la maladie le fait que les patients et leur entourage accordent peu de crédit aux traitements et méconnaissent les possibilités qu’offre la prise en charge pour anticiper les situations de crise et aider à gérer la maladie. Dans la Facing Dementia Survey, seulement 30 % des aidants et 24 % des sujets de la population générale considèrent que ces traitements sont efficaces. L’attitude des malades et de leur famille reste très fataliste face à une maladie considérée comme incurable. Ils manifestent aussi un certain manque de confiance dans les médecins pour régler, au-delà des questions purement médicales, tous les problèmes que soulève la maladie sur le plan psychologique, relationnel, social, financier, juridique, etc. On ne peut non plus nier un certain « âgisme » des décideurs, avec des priorités de santé publique qui sont plutôt orientées vers des pathologies affectant les forces vives de la nation et son potentiel de travail que vers les maladies touchant des « improductifs ».
Changer l’image de la maladie.
Le rapport de l’Opeps préconise toute une série de recommandations dont certaines concernent tout particulièrement les médecins généralistes, qui ont un rôle essentiel à jouer dans le repérage précoce de la MA.
Un préalable est essentiel : il faut changer l’image de la maladie, que ce soit auprès des médecins, des soignants, des malades, de leur famille ou de la population générale, en rappelant que la MA est certes dramatique, mais au stade sévère de la maladie, et qu’il faut agir avant pour en retarder au maximum l’échéance. Il est nécessaire de rappeler qu’il existe des traitements à tous les stades de la maladie et d’apprendre à mieux en détecter les premiers signes d’alerte.
La formation des soignants et des médecins doit être améliorée pour les sensibiliser à l’importance d’un diagnostic précoce dès les premiers symptômes de la maladie et d’une prise en charge adaptée.
La prévention primaire et secondaire de la maladie doit être développée, car si l’étiologie de la MA est encore mal connue, le rôle des facteurs de risque cardio-vasculaires, en particulier l’hypertension artérielle est maintenant bien établi. Le maintien d’activités cognitives stimulantes, la pratique régulière de l’exercice physique, un régime alimentaire équilibré et la lutte contre la solitude pourraient contribuer à prévenir l’apparition de la maladie.
La coordination entre le médical et le social doit être renforcée et il est proposé pour cela de mettre en place des « case manager », infirmier ou travailleur social, à l’image de ce qui se fait déjà dans le domaine de la myopathie en France ou pour les démences dans d’autres pays. Ce « case manager » prendra en charge tous les aspects extramédicaux de la maladie, familiaux, financiers, sociaux... en relation avec le médecin. Plusieurs expériences sont en cours avec des financements de l’assurance-maladie ou de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le coût global de la MA est d’environ 10 milliards d’euros par an en France. Le coût engendré par les dépenses strictement médicales représente 10 % de ce chiffre ; les neuf autres milliards sont des coûts médico-sociaux auxquels participe aussi l’assurance-maladie par l’intermédiaire du forfait soin-hébergement. Mais 46 % de ces 10 milliards, soit une somme considérable (plus de 12 000 euros par personne), restent à la charge de la famille (forfait hébergement en maison de retraite ou valorisation du temps passé par l’aidant à domicile). Pour alléger la charge des familles, il sera nécessaire de leur apporter une aide financière plus importante, par le biais notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Mais, compte tenu des perspectives démographiques, la souscription d’une assurance-dépendance pour ceux qui peuvent la financer sera encouragée. Pour que le diagnostic précoce soit efficace, il est indispensable de promouvoir le développement des consultations mémoires et de renforcer l’offre de soins en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Rappelons que le lancement d’un vaste programme de recherches cliniques et fondamentales est considéré comme une urgence.
D’après un entretien avec le Pr Jean-François Dartigues, épidémiologiste (Bordeaux), président de la conférence de FMC « Prise en charge précoce de la maladie d’Alzheimer », parrainée par les Laboratoires Eisai-Pfizer, 15 mars 2006.
Pour s’inscrire : www.lemedec.com ou secretariat@lemedec.com.
Renseignements : 0.800.204.408.
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