Installée il y a un an par Jean-François Mattei, dans un contexte difficile (les maternités manquent de bras et de moyens, leur restructuration fait souvent des vagues), la « mission périnatalité », composée des Prs Gérard Bréart, Jean-Christophe Rozé et Francis Puech, a remis hier sa copie au ministre. Ce rapport fait vingt propositions capables de permettre l'application d' « une nouvelle politique périnatale et non une adaptation de l'ancienne ». Il s'inspire largement des conclusions des états généraux de la naissance qui se sont tenus au printemps.
Partant du constat que la France n'en fait pas assez pour ses femmes enceintes et ses nourrissons dans les situations à haut risque mais qu'elle en fait souvent trop dans les situations à faible risque, les trois auteurs préconisent une remise à plat de l'organisation existante. Il faut, disent-ils, faire mieux pour les premiers, mais il faut aussi dans le même temps adapter l'offre de soins aux besoins des seconds (par exemple « en abandonnantdes techniques non indispensables pour la prise en charge de la grossesse et de l'accouchement normaux »). Les obstétriciens manquent ? Peut-être, répondent les Prs Bréart, Rozé et Puech, ne sont-ils pas indispensables partout, d'où l'idée de donner aux sages-femmes « la totale compétence pour prendre en charge de façon autonome le suivi (des situations « à bas risque) ». Le rapport souhaite qu'il soit désormais possible « d'ouvrir des maisons de naissance » attenantes à des plateaux techniques publics ou privés et placées « sous la responsabilité pleine et entière de sages-femmes ». Problème : les sages-femmes, comme les médecins (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres) font aujourd'hui défaut dans les maternités - il faudrait 1 610 médecins de plus qu'aujourd'hui, 1 471 sages-femmes supplémentaires simplement pour que les établissements soient conformes à la réglementation. Le rapport donne donc des recettes pour faire revenir les médecins dans le secteur de la naissance (leur donner une mobilité entre la ville et l'hôpital, aplanir leurs difficultés assurantielles...). Il insiste aussi sur les évolutions nécessaires du métier de sage-femme. « Leurs effectifs, précise-t-il, doivent être adaptés au-delà des normes prescrites par les décrets de 1998 [qui ont organisé les maternités en niveaux de soins et leur ont affecté les personnels correspondants, NDLR] ». Le rapport prévoit que les sages-femmes puissent prendre en charge les grossesses et les accouchements « en secteur libéral ». Plus largement, il affirme qu'il est nécessaire : de modifier le code de la santé publique sur les droits de prescription des sages-femmes, car ils sont « totalement obsolètes », et de permettre aux sages-femmes « de faire la déclaration de grossesse et l'examen postnatal ».
Une offre mieux ajustée aux besoins
Ce nouveau partage des tâches entre obstétriciens et sages-femmes ne sera bien sûr possible que si l'offre de soins est mieux ajustée aux besoins de la population, si grossesses à risque et grossesses « normales » sont bien identifiées, si les femmes enceintes sont mieux informées des circuits qu'elles ont le droit d'emprunter pour accoucher (autant de propositions du rapport). L'idée de « renforcer le fonctionnement en réseau » (8e proposition) des professionnels de la naissance va également dans ce sens. Et les niveaux de prise en charge (centres périnataux de proximité, maternités de niveaux I, IIa, IIb et III) sont encore affinés - apparaît en particulier une distinction entre les maternités de niveau I réalisant moins ou plus de 1 500 accouchements par an.
Le chapitre sensible de la restructuration des maternités est abordé. Les auteurs du rapport se gardent d'aborder la question des seuils en deçà desquels un établissement doit fermer ses portes. Ils prennent toutefois parti pour une réponse « aux soins de proximité (...) tenant compte des réalités locales » et n'excluent pas que des femmes continuent à accoucher dans de très petites maternités « à la condition d'une identification rigoureuse des grossesses à bas risque ». Ils donnent surtout aux pouvoirs publics des conseils de méthode. Reconnaissant que « de nombreuses contraintes (dont la diminution du nombre de professionnels de la naissance disponibles) vont imposer une restructuration », ils font valoir que « pour être acceptées » les opérations de fermeture ou de regroupement d'établissements « doivent être planifiées et organisées à l'échelon local, après consultation et discussion avec les usagers et les professionnels ».
Les Prs Bréart, Rozé et Puech n'oublient pas la question du financement du « plan périnatalité pluri-annuel » qu'ils soumettent aux pouvoirs publics. Les rapporteurs plaident donc pour un financement propre, régional, proportionnel aux nombres de naissances avec une répartition entre les maternités en fonction de leur activité. La leçon des décrets de 1998, pour lesquels des moyens spécifiques n'ont jamais été débloqués, ce qui a limité leur efficacité, a été bien retenue.
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