L'ISOLEMENT des patients porteurs d'un staphylocoque doré résistant à la méticilline est-elle vraiment utile dans les services de soins intensifs ? Conduit-elle à une réduction significative des infections nosocomiales ? Selon les résultats d'une étude prospective britannique publiée par « The Lancet », la réponse à ces deux questions est non. Cepeda et coll. (University College London Hospitals, Londres) ont en effet observé que la propagation de Staphylococcus aureus au sein des services de soins intensifs n'est pas freinée par la mise à l'écart des patients colonisés ou infectés.
Pourtant, dans la plupart des pays du nord de l'Europe, l'application de la politique « chercher et détruire » semble conduire à un bon contrôle de la transmission des staphylocoques dorés résistants à la méticilline (Sarm) à l'intérieur des établissements hospitaliers. Cette politique inclut une identification systématique des patients et du personnel porteurs de la bactérie, une procédure stricte d'isolement des personnes colonisées et leur décolonisation par des agents topiques. Ces mesures ont permis à de nombreux hôpitaux de réduire l'incidence des infections à Sarm et d'atteindre des fréquences de transmission du bacille particulièrement basses.
Les précautions « de contact ».
Mais, pour certains experts, la mise à l'écart des malades colonisés ne serait une mesure réellement efficace. Les précautions « de contact » (notamment le port de gant et le lavage des mains) auraient, selon eux, un impact bien plus important sur le contrôle de la transmission intra-hospitalière des staphylocoques.
Pour trancher la question, Cepeda et coll. ont conduit une étude prospective multicentrique visant à évaluer l'effet de l'isolement des patients colonisés ou infectés par un Sarm sur la transmission de la bactérie. L'étude a duré un an. Elle repose sur le suivi hebdomadaire de l'incidence des Sarm dans trois services de soins intensifs de deux hôpitaux londoniens. Tous les patients admis dans ces services pour plus de 48 heures ont été inclus dans l'étude (n = 866). Au cours du premier et du dernier trimestre de l'étude, les patients porteurs d'un Sarm n'ont pas été isolés des autres patients. Lors des deuxième et troisième trimestres, les patients colonisés ou infectés par un Sarm ont été placés à l'écart, soit dans des chambres individuelles, soit dans des salles occupées uniquement par des malades porteurs de la bactérie. Les précautions standards ont bien sûr été observées pendant toute la durée de l'étude. Le lavage des mains et les autres précautions de contact ont été encouragées.
L'hygiène des mains.
A l'issue de l'étude, il est apparu que l'isolement des malades colonisés ou infectés ne modifie pas la fréquence d'acquisition d'un Sarm par les patients non porteurs de la bactérie au moment de leur admission dans le service.
Au Royaume-Uni, les Sarm sont à l'origine de près de 20 % des infections nosocomiales. Et l'incidence de la bactérie est particulièrement élevée dans les services de soins intensifs. Pour Cepeda et coll., ce phénomène explique pourquoi les mesures de mise à l'écart des patients colonisés restent inefficaces : l'isolement ne peut pas fonctionner dans un environnement où la bactérie est endémique.
Dans un commentaire accompagnant les résultats de Cepeda et coll., Donald Goldmann (Institute for Healthcare Improvement, Cambridge, Etats-Unis) insiste sur le fait que la seule mesure véritablement efficace dans la lutte contre les infections nosocomiales à Sarm concerne l'hygiène des mains. Selon lui, il arrive trop fréquemment que les précautions de contact ne soient pas respectées par le personnel hospitalier.
Cepeda et coll., « The Lancet », édition en ligne du 7 janvier 2004.
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