Assouplissement de la loi Evin

La mise en garde de l'Académie

Publié le 27/06/2004
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« A L'HEURE où sont proposées des modifications des dispositions » de la loi Evin touchant à la publicité sur les vins, l'Académie nationale de médecine s'inquiète « de l'impact négatif que pourraient avoir de tels aménagements sur la santé publique ».
« La consommation excessive d'alcool est dangereuse quelle que soit la boisson alcoolique en cause »
, affirme le Dr Roger Nordmann au nom de la commission Troubles mentaux-Toxicomanies. Elle « est la cause majeure, au cours de la grossesse, de retard mental d'origine non génétique, ainsi que de l'inadaptation sociale de l'enfant ». Quant au vin, « au-delà des limites établies par l'Organisation mondiale de la santé » (1), il entraîne « fréquemment des désordres nutritionnels, l'apport calorique qu'il représente étant compensé par une réduction de l'apport d'aliments indispensables à l'organisme, notamment glucidiques et protéiques ». « La consommation excessive d'alcool a de plus de graves retombées liées aux caractéristiques de son métabolisme, ajoute l'Académie  : absence de possibilités de stockage, voie principale d'élimination par oxydation quantitativement limitée, d'où emprunt de voies accessoires productrices d'éléments toxiques responsables d'atteintes cellulaires, d'activation de substances procancérigènes et d'interférence avec de nombreux médicaments. »
« Ces caractéristiques du devenir de l'alcool » se retrouvent aussi bien avec la bière et le cidre qu'avec le vin ou les spiritueux. En conséquence, pour l'Académie, « seules » doivent être adoptées « des modifications législatives susceptibles de faciliter l'objectif de réduction de la consommation d'alcool tel que défini par le projet de loi de santé publique » en cours d'examen au Parlement. S'il s'agit « d'accroître la banalisation » de l'usage, quelle que soit la boisson alcoolique, elle dit « non ». Comme le mouvement associatif de lutte contre l'alcoolisme, elle estime que « toute tentative visant à assouplir les exigences législatives en vigueur porterait préjudice à la santé publique et aurait des effets contraires aux priorités des plus hautes autorités de l'État : lutte contre le cancer, sécurité routière et lutte contre les handicaps ».

Le Parlement cède aux producteurs de vin.
Sensibles aux groupes de pressions viticoles, les parlementaires, toujours prêts à ne pas contrarier leurs électeurs du terroir, envisagent d'écorner la loi Evin. Déjà, le Sénat a voté, en première lecture le 18 mai, un amendement (2) au projet de loi sur le développement des territoires ruraux, en instance de deuxième lecture à l'Assemblée. Il s'agit de permettre la publicité collective pour les vins d'une même zone géographique et d'autoriser des références subjectives portant sur le goût, l'odeur et l'aspect. Dans l'état actuel de la loi Evin, les publicités par voie d'affichage, presse écrite adulte, radio (à l'exception du mercredi), affichettes, catalogues et brochures sur les lieux de vente, affiches et enseignes dans les lieux de production, sur les véhicules de livraison, dans les fêtes et foires traditionnelles, et dans les musées et universités du vin, ne peuvent être qu'individuelles et concernent les caractéristiques objectives du produit (exemple, « vin sec pour le poisson »). Le gouvernement Raffarin II avait donné « un accord de principe » pour un « aménagement technique » de la loi Evin (« le Quotidien » du 19 avril).
Et le « Livre blanc » sur le vin que le député-maire UMP de Beaune (Côte-d'Or), Alain Suguenot, remettra à Jean-Pierre Raffarin dans les tout prochains jours ne devrait pas changer la donne. Face au « lobby prohibitionniste qui diabolise le vin », le parlementaire bourguignon souligne que « le vin, produit de civilisation, consommé avec modération, est un produit de santé publique ». « Il apporte, dit-il, un complément nutritionnel bon pour l'équilibre de la santé ».

(1) 4 verres par jour pour un usage ponctuel, 21 par semaine pour un usage régulier chez l'homme (3/j) et 14 chez la femme (2/j) et abstinence hebdomadaire de 24 h.
(2) Déposé par Gérard César (UMP, Gironde), appuyé par un groupe de 60 sénateurs.

> PHILIPPE ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7569