DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
CE N'EST CERTES PAS encore le temps de la défiance mais déjà celui des premiers doutes, et de la vigilance accrue, à cause de quelques coups de canif dans le contrat. Quatre mois seulement après l'installation du gouvernement Sarkozy, et l'arrivée du tandem Roselyne Bachelot/Eric Woerth aux manettes de la Santé et des Comptes de la Sécurité sociale, la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français) a rassemblé quelque 200 cadres départementaux, ce week-end à Cannes, pour sa treizième université d'été, dans une atmosphère paradoxale.
En très grande majorité, ces médecins libéraux, rouages sur le terrain des réformes et de la convention depuis plus de deux ans, ont voté pour Nicolas Sarkozy. Mais nombre d'entre eux confient déjà leurs inquiétudes, à la lumière de premiers signaux jugés inquiétants. «La profession subit beaucoup d'attaques en ce moment, on ne sait pas trop où on va», résume, amer, ce médecin généraliste de province. Cet autre médecin de famille, 38 ans, qui a fait le déplacement depuis la Réunion, se souvient de Xavier Bertrand, «un homme ouvert, qui comprenait le monde de la santé». «J'attends de voir la nouvelle méthode, le message…», dit-il, presque nostalgique.
Porte-voix de ces interrogations, sinon d'un malaise émergent, le président Michel Chassang ne s'est pas privé de souligner, devant la ministre de la Santé, les «erreurs» des premiers mois. D'abord, «le plan d'austérité profondément injuste» qui, cet été, «a cogné sur les radiologues et les biologistes» dans la foulée de l'intervention du comité d'alerte sur les dépenses maladie (la Csmf avait plaidé sans succès pour une loi de financement rectificative donnant un peu d'oxygène à la médecine libérale). «Qui aurait parié qu'un gouvernement de droite commencerait son action en baissant des tarifs?», s'interroge un spécialiste désabusé.
Deuxième mauvaise surprise pour la Confédération : les réticences du gouvernement à lancer immédiatement la réforme structurelle du financement de la protection sociale, seule à même, pourtant, de procurer les nouvelles recettes qui soulageraient une assurance-maladie toujours exsangue. Il y a enfin – surtout – les craintes inhérentes au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2008, dont les grandes lignes seront présentées ce soir par le gouvernement (voir ci-dessous). «Certaines mesures nous font très peur», a averti avec gravité Michel Chassang. Deux d'entre elles particulièrement : la régulation «autoritaire» de la liberté d'installation, un dossier décidément explosif qui pourrait fédérer rapidement le mécontentement des jeunes médecins (déjà partis en guerre – voir page 3) et des praticiens installés ; mais aussi l'instauration éventuelle d'un mécanisme de verrou «comptable» permettant de suspendre les accords conventionnels en cas de dépassement sérieux de l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance-maladie). «Nous ne voulons pas d'un stabilisateur économique automatique qui décrédibiliserait le système conventionnel», a martelé Michel Chassang, avant de rappeler le «combat» de la profession contre le plan Juppé de 1995, une référence que le gouvernement appréciera…
Un motif de satisfaction : l'obtention d'un Ondam 2008 un peu desserré (+ 2,8 %) et surtout «rééquilibré» entre la ville et l'hôpital.
Mais d'autres projets à l'étude ne déchaînent pas l'enthousiasme des responsables confédérés : ainsi la possibilité de rémunérer des médecins libéraux «à la performance» (sous la forme de contrats individuels de «supermaîtrise» récompensant les praticiens qui font davantage d'efforts, sur les génériques par exemple), une idée de la caisse qui pourrait être inscrite dans la loi ; ou encore l'expérimentation, à l'échelon régional, de nouveaux «contrats de soins» forfaitisés (pour la prise en charge d'une population de patients diabétiques par exemple), ce qui ouvrirait la voie au « disease management ».
En choisissant comme fil rouge des débats «l'exercice médical de demain», le syndicat a néanmoins tenu à montrer qu'il ne voulait surtout pas «subir» mais au contraire «anticiper les changements».
Vitesse supérieure.
Comment y parvenir ? Malgré la «dynamique partenariale» (24 avenants signés), et les résultats de la maîtrise médicalisée (1,3 milliard d'euros d'économies en deux ans), la convention actuelle, constate froidement Michel Chassang, est «au milieu du gué». De nombreux dossiers sont en souffrance, pour des raisons techniques, politiques ou financières (réforme de la grille des consultations, secteur optionnel, prise en compte des samedis après-midi et des ponts dans la permanence des soins…). Les spécialités cliniques (endocrinologues, psychiatres, pédiatres, dermatologues…) «souffrent» et accusent des baisses d'activité «allant jusqu'à 15%». Les disciplines «à risques» attendent toujours le règlement pérenne du dossier assurantiel (RCP) ; et, à l'heure où Nicolas Sarkozy s'attaque aux régimes spéciaux, l'avenir du régime de retraite ASV s'inscrit en pointillé… Le message de la Csmf au gouvernement et au directeur de l'assurance-maladie est donc clair : il est temps de relancer la machine pour ne pas décourager la profession. «L'heure est venue de passer à la vitesse supérieure pour présenter en 2010 un bilan positif à nos confrères et leur donner envie de signer une nouvelle convention», a estimé Michel Chassang dans son propos conclusif en forme de mise en garde aux pouvoirs publics.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature