«QUE CETTE NOBLE institution puisse devenir une sorte de Sénat sanitaire, éclairant et critique», a souhaité Roselyne Bachelot au début de son intervention, dans l'hémicycle de l'Académie, reprenant une formule du président Marc Gentilini. Aussitôt dit, aussitôt fait. Comme devant les parlementaires, la ministre a commencé par un discours de politique générale. Développant les grands axes de son projet de loi « Patients, santé et territoires », un projet qui sera soumis à l'Assemblée nationale à l'automne, elle a livré l'esprit de sa réforme : égalité, responsabilité individuelle et solidarité. Et exposé les principales mesures : accès de tous aux services d'urgence pour répondre au besoin de proximité ; collaboration des systèmes ambulatoires et hospitaliers ; mesures désincitatives à l'installation dans les zones favorisées. Pour l'hôpital, elle veut faire évoluer la tarification à l'activité en accroissant les ressources allouées aux établissements qui ont une proportion importante de patients en situation de précarité. Au sujet de ces patients démunis, elle s'est encore insurgée contre «la pratique scandaleuse, insupportable, du refus de soins». L'exigence de la prise en charge de ces patients constitue, affirme-t-elle, «un impératif irréfragable qui sera inscrit dans la loi».
Feu roulant de questions, comme au Parlement.
Roselyne Bachelot a ensuite répondu au feu roulant des questions. Comme dans un hémicycle parlementaire.
Vente des médicaments hors pharmacie : «C'est un leurre de penser que, employé en grande surface, un pharmacien diplômé restera un professionnel de santé, alors qu'il sera traité en subalterne. En Italie, où cette réforme a été réalisée, les prix des médicaments ont augmenté de 15 à 25%. Les malades ont perdu sur tous les tableaux.»
Réforme des agences sanitaires : «Créées au fil des crises, souvent sous le coup de l'émotion, les agences sont trop nombreuses. Certaines ont eu leurs compétences assez mal définies, qui parfois se recouvrent les unes les autres.» S'appuyant sur le CASA (comité de coordination des agences sanitaires, mis en place il y a deux semaines), elle «réfléchit actuellement à ce que pourraient être des pôles géographiques qui regrouperaient les agences selon leurs compétences». Quant à l'Agence de la biomédecine, Roselyne Bachelot lui a donné quitus de son «très bon fonctionnement» et a précisé que l'actuelle directrice n'était «absolument pas exclue» de la procédure d'appel de candidatures pour sa succession (« le Quotidien » d'hier).
Le secteur privé hospitalier : «Je ne peux me soustraire à la décision prise par le Conseil d'État: les reversements forfaitaires ne pourront plus prendre en charge les frais de structure, comme les locations de lits, et ils seront proportionnels aux honoraires perçus.»
Le malaise des praticiens hospitaliers : «Je combats le pessimisme ambiant selon lequel nous serions entrés dans une phase de paupérisation des professions hospitalières. Nous sommes le pays du monde qui dispose du maillage hospitalier le plus fin du monde, avec le plus grand nombre d'établissements. Avec tant d'efforts consacrés à l'hôpital, il faut se mettre tous à la manoeuvre sans laisser prise au pessimisme. Cela dit, il faut repenser la profession de praticien hospitalier. Tous ceux qui voudront rester dans la fonction publique le resteront, mais la voie de la contractualisation sera créée pour ceux qui désirent de nouveaux modes de fonctionnement.»
La présidence santé de l'Europe : Roselyne Bachelot présidera à partir du 1er juin le Conseil des ministres de la santé de l'Union européenne. Regrettant que les questions de santé soient uniquement abordées par l'Europe sous l'angle de la liberté de circulation des biens et des services, elle a dévoilé les trois thèmes qu'elle a choisis pour travailler avec ses collègues : «La veille sanitaire commune, pour mettre au point une vision européenne des risques; la création de réseaux de recherche sur la maladie d'Alzheimer et les maladies neurodégénératives; la lutte contre le tabac et l'alcool.»
Roselyne Bachelot a encore promis des «mesures coercitives» pour préserver la santé des jeunes, évoquant sa réflexion en cours sur les cigarettes bonbons. Et, en la remerciant, le Pr Gentilini l'a félicitée sur «le courage» dont elle a fait preuve à cet égard, la semaine dernière, en n'hésitant pas à s'opposer à une autre ministre au sujet de la boisson Red Bull (« le Quotidien » du 23 avril).
La feuille de route pour l'Académie
Au fil des sujets abordés, la ministre de la Santé a demandé aux académiciens de travailler sur plusieurs dossiers :
– poursuite et intensification de la réflexion en cours sur les addictions, dans le cadre du plan gouvernemental santé-jeunes ;
– réflexion sur la sécurité alimentaire dans le cadre du nouvel Office pour la qualité de l'alimentation (OQAL), qui met à contribution les ministères de la Santé et de l'Agriculture ;
– propositions d'examens ciblés par tranches d'âge pour la future consultation de prévention lancée à partir de 2009 pour les 16-25 ans ;
– avis sur l'obésité enfantine et sur l'obésité du troisième âge.
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