LE 9 FEVRIER DERNIER, la Ddass (Direction départementale des actions sanitaires et sociales) signale qu'un médecin parisien a informé les autorités sanitaires de la survenue d'infections cutanées peu fréquentes chez plusieurs de ses patients traités par mésothérapie. La Ddass précise que «tous les patients pour lesquels des actes du même type ont été pratiqués entre le 28août2006 et le 15janvier2007 ont été identifiés et (...) personnellement informés». Des prélèvements bactériologiques ont été effectués lorsque les patients présentaient des lésions compatibles avec un diagnostic d'infections à mycobactéries atypiques, germes qui avaient déjà été isolés chez deux premiers patients. Dans l'attente des résultats, le praticien concerné a suspendu son activité de mésothérapie, ce qui écartait toute possibilité de nouvelles infections. Selon le dernier bilan publié par la Ddass le 18 avril, 111 personnes ont été traitées au cours de la période couverte par l'enquête ; 15 patients ont été infectés. Des mycobactéries atypiques ont été isolées chez 12 patients et 10 d'entre eux ont encore un traitement et un suivi médical.
Les investigations sont toujours en cours, mais, d'ores et déjà, des prélèvements d'eau effectués au cabinet du médecin ont mis en évidence des concentrations élevées de mycobactéries, «sans qu'il soit possible à ce stade de l'enquête, précisent les autorités, d'affirmer un lien de causalité».
Réagissant dans l'émission « Le grand rendez-vous » d'Europe 1-TV5 Monde-Le Parisien, le Pr Laurent Lantiéri, chef de service de chirurgie plastique et reconstructrice du CHU Mondor de Créteil (Val-de-Marne), qui a récemment effectué la deuxième greffe française de la face, a mis en garde contre les risques «d'une médecine esthétique absolument pas validée scientifiquement». Plusieurs des patients infectés ont dû être traités chirurgicalement. Le praticien invitait les femmes à se méfier «d'une médecine douce» susceptible d'entraîner «des complications dures» et leur conseillait de ne «pas se faire injecter n'importe quoi par n'importe qui».
Emotion à la SFM.
Des réactions qui ont soulevé une vive émotion à la Société française de mésothérapie (SFM) qui, depuis plusieurs années, tente de promouvoir des bonnes pratiques. «La SFM existe depuis 1964 et compte actuellement 1100membres. Des millions de personnes ont bénéficié de la technique. C'est la première fois qu'un tel accident infectieux est décrit. Seuls ont été rapportés des accidents en Belgique après l'utilisation d'un appareil utilisé en médecine vétérinaire, mais qui est interdit en médecine humaine», explique le Dr Denis Laurens, président de la SFM. Praticien de ville dans le Val-de-Marne, il assure une consultation de mésothérapie dans le service de réadaptation fonctionnelle du Pr Perrigot à la Pitié-Salpêtrière et collabore avec le centre antidouleur de l'hôpital.
Ce qui est arrivé est selon lui exceptionnel : «C'est un accident. Ce n'est surtout pas une faute ou une erreur médicale. Le médecin incriminé a voulu presque trop bien faire en nettoyant son injecteur électronique. Elle a utilisé une solution de savon désinfectant et de l'eau du robinet. Malheureusement, l'eau a pénétré dans les interstices de l'injecteur et a perlé le long des aiguilles lors des injections, ce qui a occasionné des abcès à chaque point de puncture», explique-t-il. L'eau du robinet était en effet contaminée par des mycobactéries. Le médecin, une des élèves du Dr Laurens, a passé le DIU de mésothérapie, qui existe depuis cinq ans et est reconnu par le Conseil de l'Ordre depuis 2003 – «ce qui est rare pour un DU», précise le mésothérapeute. «Elle venait juste de s'installer dans un ancien cabinet de groupe dont l'une des pièces n'avait pas été utilisée depuis des années. Le point d'eau n'avait pas non plus été utilisé, d'où une probable stagnation de l'eau et la concentration anormale des mycobactéries.»
La pratique de la mésothérapie ne serait donc pas en cause. Normalement, le pistolet utilisé n'est jamais en contact avec la peau. Il ne sert que de pousse-seringues. Les kits d'injection sont, eux, à usage unique. Tous les produits injectés ont une AMM d'injection et sont vendus dans les pharmacies.
Le Dr Laurens reconnaît toutefois que certaines pratiques en mésothérapie esthétique – 30 % des indications, le traitement de la douleur représentant les 70 % restants – peuvent manquer de rigueur. «C'est pourquoi j'ai demandé aux mésothérapeutes de la société qui pratiquent la mésothérapie esthétique de créer une association», souligne le praticien. L'Association de médecine et de mésothérapie esthétique a vu le jour il y a trois ans. Elle est présidée par le Dr Christian Bonnet. «Nous avons mis au point pour le traitement de la cellulite, par exemple, indique ce dernier, un protocole scientifique validé par une étude multicentrique qui a inclus 450patients afin de contrer les injections de produits illégaux qui n'ont pas d'AMM et sont parfois vendus en France.» Dans le même ordre d'idée, un DU de médecine anti-âge a été créé, validé lui aussi par le Conseil de l'Ordre, dans lequel huit heures de mésothérapie sont enseignées.
Préjudice esthétique.
Le 9 mai prochain, une réunion aura lieu au ministère de la Santé afin de préciser les mesures à promouvoir auprès des professionnels et dans les formations de mésothérapeute pour éviter que ce type d'accident ne se reproduise. «Ce n'est pas une réunion pour remettre en cause la mésothérapie, mais pour établir des règles de bonnes pratiques de désinfection. Par exemple, il paraît logique de ne pas nettoyer à l'eau un appareil électronique, mais ce n'était précisé nulle part, et nulle part n'était indiquée la bonne marche à suivre», souligne le Dr Laurens. D'autres points, comme le marquage CE des pistolets et l'obligation d'assurer l'étanchéité de la cuve afin que l'eau ne puisse pas entrer, devraient être évoqués.
Les patients, quant à eux, ont subi un préjudice esthétique, «même ceux qui n'ont pas été opérés. Il y aura, bien entendu, une indemnisation à hauteur du préjudice subi», conclut le Dr Laurens. Aucune plainte n'a été déposée à l'encontre du médecin, qui ne sera pas poursuivi.
Des produits retirés du marché
La société Procytech cesse définitivement la commercialisation de produits de mésothérapie utilisés en médecine esthétique et procède au rappel du marché de ses produits de comblement pour les rides et le phénomène des « joues creuses » induits par des médicaments antisida, indique l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Des inspections de l'Afssaps dans cette société ont mis en évidence des conditions de fabrication «qui ne permettent pas de garantir la qualité et la sécurité des produits fabriqués», indique-t-elle dans un communiqué. Un courrier d'information a été adressé aux sociétés savantes et aux organismes professionnels en lien avec les praticiens utilisant ces produits. Les patients doivent en être informés afin de pouvoir préciser le nom du produit qu'on leur a déjà administré s'ils consultent pour un nouveau traitement.
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