BIEN ENTENDU, M. Sarkozy, comme le dit Didier Migaud, du PS, « occupe le terrain », avec des conférences de presse et des effets d'annonce. Il n'est pas le seul. M. Douste-Blazy l'imite avec succès et dépasse même le modèle, tant il a occupé les médias ces derniers jours.
Mais ce n'est pas le cœur du problème. M. Chirac a demandé à M. Sarkozy, non sans quelque scepticisme sur ses chances de succès, de ramener le déficit au-dessous de 3 %, tout en donnant un coup de pouce à la croissance. Autant lui demander de devenir champion du monde de marathon. En outre, le ministre de l'Economie doit tenir compte de la nouvelle politique sociale du gouvernement : la recherche sera financée, les intermittents du spectacle obtiendront un statut plus généreux et les 260 000 « recalculés » toucheront leurs indemnités de chômage, grâce à une astuce du ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, qui a trouvé un milliard et demi d'euros, plus virtuels que réels (il s'agit d'une créance sur l'Unedic à laquelle l'Etat renonce).
De nouvelles pistes.
Pour M. Sarkozy, cela signifie que des pistes conduisant à des économies possibles ont été fermées. Il lui fallait donc en trouver d'autres. C'eût été absurde d'attendre de lui quelque miracle unique qui aurait résolu tous les problèmes. Il a donc pris une vingtaine de mesures qui sont toutes destinées, en dépit de leur modestie, soit à réduire les dépenses, soit à inciter les Français à consommer.
Vendre de l'or pour une recette annuelle de 100, puis 200 millions d'euros ; privatiser 35 % de la Snecma et une partie des actifs de l'Etat dans des sociétés autoroutières ; vendre 100 000 m2 de bureaux appartenant à l'Etat ; remettre en cause les niches fiscales et, en tout cas, ne pas les prolonger au-delà de cinq ans : ces mesurettes rapporteront de l'argent.
REJETER UNE FATALITÉ QU'EXPLIQUENT NOS COMPLAISANCES NE PEUT PAS ETRE MAUVAIS
Ajoutées à un gel des crédits d'environ 7 milliards d'euros et, surtout, à une relance de la consommation par diverses mesures concernant le crédit, notamment, elles fournissent le tableau d'une politique budgétaire plus dynamique que celle de son prédécesseur.
Les convictions du mégalo.
On aura beau exposer le dessein politique de Nicolas Sarkozy comme explication unique de tout ce qu'il fait, il le fait. Et on a beau lui prêter des ambitions de mégalomane, il ne manque pas de conviction. Il parle en outre un langage d'une fraîcheur chaque fois surprenante. La dette a atteint 1 000 milliards d'euros. Si le traité de Maastricht maintient les déficits budgétaires au-dessous des 3 %, c'est parce qu'il s'agit du seuil au-delà duquel l'Etat doit emprunter pour combler le déficit. Quand il emprunte, il augmente la dette et, ensuite, il faut financer cette dette. Le service de la dette coûte aujourd'hui 40 milliards d'euros par an, c'est devenu le premier poste budgétaire, devant l'Education, devant la Défense, plus que toutes les sommes consacrées à la formation professionnelle. Et encore bénéficions-nous de taux d'intérêt bas. Il demeure que, dans les recettes fiscales, 40 milliards d'euros sont consacrés à cette dépense totalement improductive.
Une question de discipline.
Tout cela, M. Sarkozy le dit avec vivacité, et on ne saurait rejeter les vérités qu'il énonce : payer des impôts pour financer la dette, passée de 20 % du PIB en 1980 à 67 % aujourd'hui, au lieu de créer des richesses avec ces 40 milliards, n'est-ce pas le monde à l'envers ?
La discipline qu'il souhaite imposer à la France n'est pas seulement dictée par le Pacte de stabilité européen. On passe son temps en France à enfouir sa tête sous l'oreiller et à trouver des coupables extérieurs à nos maux. Mais, avec ou sans l'Europe, nous devons commencer à nous désendetter et, bien sûr, nous devons le faire surtout en période de croissance (ce qui n'a pas été le cas entre 1997 et 2002, pourquoi la gauche ne l'admet-elle pas ?).
La question n'est donc pas de savoir si Nicolas Sarkozy veut devenir président. Elle porte sur son engagement non pas à faire de la politique, mais à s'attaquer aux scléroses de la société française. Ainsi, quand il s'élève contre une sorte d'infirmité nationale qui freine notre croissance à un peu plus de 2 % en 2004, alors qu'elle sera de 4,6 % dans le monde, comment ne pas reconnaître qu'il faut lutter contre ce handicap ? Et d'abord, d'où vient-il, de quelles erreurs de gestion, ou de quelle aberration nationale ?
Rejeter une fatalité qu'expliquent les complaisances que nous avons eues avec nous-mêmes pendant quelques décennies de paix ne peut pas être complètement mauvais.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature