LE TEMPS DE LA MEDECINE
« TOUS LES AMPUTÉS font état de sensations fantômes au niveau de leurs organes absents : si les douleurs fantômes sont bien connues et reconnues par les médecins, les patients décrivent habituellement tout un panel de sensations allant du plaisir jusqu'aux douleurs intenses », explique le Dr Didier Bouhassira, chef de service de l'unité de traitement de la douleur à l'hôpital Ambroise-Paré (Boulogne-Billancourt).
Pour les malades, du moins dans les mois, voire les premières années, l'ensemble de ces phénomènes conduit à imaginer que le membre reste toujours présent et tend à retarder l'intégration mnésique du nouveau schéma corporel. En postopératoire immédiat, plus de 70 % des patients décrivent des sensations douloureuses qui sont regroupées sous l'appellation globale de douleurs neuropathiques. Avec le temps, l'intensité et la fréquence de ces douleurs diminuent ; mais elles peuvent persister de façon intense chez 30 % des amputés dix ans après le geste chirurgical. Si, au niveau des membres, le diagnostic est facile, des signes cliniques similaires ont été décrits dans la plupart des amputations : dents, seins, rectum (douleurs décrites comme un ténesme), vessie. Pour le Dr Bouhassira, « il semblerait que le cerveau soit doté d'un catalogue mnésique des différentes douleurs survenues dans tous les territoires corporels. Ainsi, certains amputés des membres inférieurs décrivent précisément une douleurs d'entorse de la cheville alors même que leur membre est absent ».
Si les données de la littérature sur la mémoire corporelle douloureuse sont nombreuses, on connaît beaucoup moins bien les cas où l'individu « oublie » une partie de son corps qui reste pourtant bien présent. C'est ce qui se produit chez les sujets ayant souffert d'accident vasculaire pariétal qui peut s'accompagner cliniquement d'une négligence, voire d'une anesthésie de l'hémicorps opposé (asomatognosie). Ces tableaux cliniques peuvent s'accompagner de traumatismes, d'infections ou d'inflammation ignorés de l'individu et qui nécessitent une prise en charge par un tiers.
Organes étrangers
Un nouveau champ de connaissances s'est ouvert avec les hétérogreffes de membres et l'étude des modifications cérébrales fonctionnelles survenant dans les suites ce geste chirurgical. C'est chez Denis Chatelier, le Français qui a reçu une double greffe des avant-bras, à Lyon en 2000, que le plus grand nombre d'examens par IRM fonctionnelle a été réalisé. En 2002, il expliquait au « Quotidien » : « Même si les médecins me disent que mon cerveau reconnaît mes nouveaux bras, pour moi ils restent comme des organes étrangers. »
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