Un banc. Un banc public de bois comme il y en avait dans les pays de l’Est avant la guerre. C’est le seul élément de décor qu’ait voulu Michel Jonasz pour ce magnifique moment de grand théâtre : mémoire, émotion, humour, dignité. Tout commence et tout se clôt sur l’évocation de l’atroce, cette douche que l’on prenait dans les camps, cette douche pour laquelle il faut aller se déshabiller…Abraham se doute de quelque chose…
Michel Jonasz, dans un costume d’autrefois, avec les gestes précautionneux des timides, des humbles, debout sur le plateau, la plupart du temps, bras ballants mais pas empoté pour un sou car il est vrai, il est dans la vérité de l’histoire qu’il nous raconte, il est son grand-père Abraham. Né en Hongrie, exilé en Pologne, chassé de Pologne alors qu’il a mis une partie de ses 7 enfants à l’abri (croit-il) en France, mort en déportation.
Une famille juive comme tant d’autres, une famille d’épiciers. Une famille religieuse, un homme qui aime sa femme, ses enfants, craint Dieu, ne comprend pas la férocité du monde. Michel Jonasz mêle le récit et le chant. Car Abraham, comme son père avant lui, était « cantor ». Et aujourd’hui Jonasz, ce chanteur que l’on aime tant, avec cette voix magnifique et son répertoire superbe, sans protection, ouvre son cur et le livre de mémoire de sa famille. C’est un moment cocasse et tendre, tendu au-dessus de la catastrophe nazie et de la France qui collabore. Ce n’est jamais pesant. Jonasz donne un meilleur ami au grand-père. Ils dialoguent et ces échanges sont drôles, taillés dans cet humour que l’on connaît et qui est ici réinventé.
Sans moyens autres que la sincérité, Michel Jonasz rend la vie à sa famille, comme si le néant n'existait pas pour ceux qui aiment et se souviennent.
Petit Montparnasse (01.43.22.83.04), à 21 heures du mardi au samedi, à 17h30 le dimanche. 1h25 sans entracte.
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