L’UNITÉ MÉDICO-JUDICIAIRE (UMJ) pour mineurs victimes de l’hôpital Trousseau, à Paris, «est un exemple remarquable du travail en commun de la Justice et de la Santé» en faveur des moins de 18 ans les plus vulnérables. Placée sous la responsabilité du Dr Caroline Rey, elle fait travailler un généraliste à plein-temps, trois pédopsychiatres, deux infirmières et une secrétaire. Chaque année, depuis sa création en septembre 2003, elle examine, sur réquisition policière ou judiciaire, quelque mille enfants et adolescents agressés sexuellement (250), violentés physiquement (500)* – dans leur famille (30 %), par des camarades d’école (35 %) ou sur la voie publique – ou « isolés » (250). En ce qui concerne les mineurs étrangers, l’UMJ a pour tâche de déterminer leur âge physiologique afin de savoir s’ils peuvent relever de l’Aide sociale à l’enfance. Pour les autres, l’UMJ effectue un constat médico-légal et évalue le retentissement psychologique des agressions subies.
«Il nous appartient de voir si les blessures et les lésions de la victime sont compatibles avec ce qu’elle a déclaré aux policiers et si sa vie s’en trouve perturbée, explique au “Quotidien” le Dr Rey. Nous développons un accueil spécifique, en favorisant l’accompagnement du jeune et de sa famille par une orientation, en lien avec le mouvement associatif, vers des services psychologiques, sociaux et juridiques répondant à une situation de détresse.»
Tout commence par un entretien d’accueil infirmier, dont l’équipe a été sélectionnée dans la catégorie soins des Victoires de la médecine 2006. Puis le relais est pris par le généraliste ou le Dr Caroline Rey, à la fois pédiatre et médecin légiste, et le pédopsychiatre. Le travail n’est pas toujours simple, notamment en cas de violences sexuelles, sachant que le quart des petites victimes ont moins de 5 ans, auxquelles s’ajoutent chaque année une vingtaine de mutilations, principalement des excisions.
Pour ne pas répéter Outreau.
Pour le garde des Sceaux, Pascal Clément, qui s’est rendu sur place, l’UMJ de Trousseau illustre parfaitement l’esprit de la réforme de la justice, présentée au conseil des ministres du 17 octobre, avec son volet relatif à la protection des mineurs victimes.
Selon le projet de loi, le caractère obligatoire de «l’enregistrement audio-visuel ou sonore du recueil de la parole de l’enfant» (jusqu’alors facultatif), «la qualité des expertises diligentées», comme c’est le cas à Trousseau, «le renforcement de la dimension contradictoire des expertises» (grâce à une plus grande intervention des parties dans le choix des experts et à la multiplication des questions posées) et «l’assistance obligatoire par un avocat du mineur lors de l’instruction contribuent à la fois au renforcement de la protection des victimes et à une sécurisation des procédures».
Le texte devrait être examiné lors de l’actuelle session parlementaire. «En tant que ministre de la Justice, je ne veux pas d’une nouvelle affaire Outreau, a tenu à affirmer Pascal Clément. C’est pourquoi les questions se rapportant au recueil de la parole de l’enfant et aux expertises doivent être privilégiées en leur accordant la priorité.»
A Trousseau, toutefois, les intervenants doivent faire avec les moyens du bord, du lundi au vendredi, de 9 heures à 19 heures. Ainsi, fait remarquer la responsable de l’unité, «lorsqu’il y a urgence, les victimes sont adressées, malheureusement, à l’UMJ pour adultes de l’Hôtel-Dieu». Une cinquantaine de structures ad hoc, qui sont de simples aménagements de services d’urgence, traitent de l’ensemble des examens médico-légaux. Le projet de réforme de la médecine légale prévoit de les rationaliser et de moderniser leurs modes de financement. Pour les mineurs, il existe une trentaine d’unités d’accueil. Les unes permettent l’enregistrement des victimes à l’hôpital : Pontoise, Chartres, Valence, Saint-Nazaire, Chalon-sur-Saône, Béziers, Aix-en-Provence, Nîmes, Caen, Angers, Alençon, Argentan, Carcassonne, Troyes et Lyon. Les autres, Lille, Bordeaux et Trousseau (Paris), constituent des pôles d’excellence en matière d’accompagnement pédiatrique et facilitent grandement la mission des enquêteurs.
* Parmi ces violences volontaires se trouvent des cas de racket, ainsi que des violences psychologiques.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature