La campagne vue par les praticiens du Nord - Pas-de-Calais

« La médecine, la grande oubliée »

Publié le 16/04/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

DÉÇUS PAR LA CAMPAGNE électorale, voire désabusés. Les médecins du Nord - Pas-de-Calais ne suivent pas les débats avec enthousiasme, loin s'en faut. Tous regrettent l'absence de réelles propositions en matière de santé. «La médecine est la grande oubliée de cette campagne, déplore Jacques Guiset, chirurgien à Lille. C'est un sujet délicat qui implique des dépenses que n'ont pas su résoudre beaucoup d'hommes politiques. Lorsqu'il faut mettre en responsabilité certains patients, et certaines dérives, les hommes politiques préfèrent botter en touche.»

Même impression pour Hubert Georges, opthalmologue à Maubeuge : «La santé est absente des débats, le sujet est trop brûlant. C'est un dossier pour lequel il faut demander des efforts aux gens, alors ce n'est guère électoral. Les candidats préfèrent éviter tous les sujets qui fâchent.»

Quelques mots lancés par un candidat ou un autre alimentent le débat : le projet de « franchise » évoqué par Nicolas Sarkozy fait réagir beaucoup de médecins du Nord. Certains, comme Hubert Georges, y voient «un moyen d'éducation de la population», d'autres, à l'instar du Dr Pierre Gheeraert, généraliste à Roubaix, redoutent l'impact catastrophique d'une telle mesure. «Les soins primaires seront les plus pénalisés. Certaines personnes vont renoncer aux soins pour des raisons financières», dit-il. Quant à la création de dispensaires en zone rurale évoquée par Ségolène Royal, elle fait sourire certains, avec son parfum début de siècle.

« Rien d'intéressant ni d'innovant ».

Globalement, les médecins libéraux n'ont trouvé dans les programmes «rien d'intéressant ni d'innovant alors que la France a besoin d'un plan Marshall», comme le dit Pierre Gheeraert.

Beaucoup de médecins attendaient pourtant des propositions nouvelles en matière de médecine libérale. «J'espérais que les candidats aborderaient les nouvelles expérimentations en matière de mode d'exercice», confie le Dr Pierre Grave, généraliste à Saint-Pol-sur-Ternoise, un secteur rural où le manque de médecins se fait durement sentir dans certains cantons. «Rien ne se dessine pour notre pratique, poursuit-il . Pas même une évocation d'autres formes d'exercice. Aucune allusion à l'éducation à la santé, ni aux droits et aux devoirs des patients. Les politiques ne veulent pas s'emparer de ce dossier. Au lieu de cela, on nous parle drapeau et identité nationale.» Un sentiment partagé par Jacques Guiset qui espérait «une analyse de ce qui se passe actuellement dans la médecine libérale, et une réflexion sur la démocratie sociale pour rendre le pouvoir aux usagers. Il n'est pas normal que les assurés soient totalement tenus à l'écart de la gestion des caisses d'assurance-maladie auxquelles ils cotisent. Sur ce sujet, tout le monde botte en touche».

D'où un certain fatalisme chez les déçus de la politique. «Peu de programmes et beaucoup de promesses. Les hommes politiques sont fidèles à eux-mêmes, ironise Denis Thuin, généraliste à Maubeuge . Lorsqu'on en arrive au stade de l'injure, c'est indigne des Français. En tant que médecin, j'attends une vraie politique de santé, mais les candidats tournent le dos à ces questions. Ils se contentent de belles promesses. Après les élections, on sera confronté aux chiffres, et les promesses s'envoleront. Je ne crois plus à grand-chose.»

> FLORENCE QUILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8148