L’échoscopie arrive au cabinet
L’échoscopie est une technique de diagnostic qui, partie des centres de médecine d’urgence, devrait se répandre prochainement dans les cabinets médicaux. C'est ce qu'a soutenu le Dr Michel Athouel (SOS médecins, Paris) lors de la session « Nouvelles techniques, nouveaux outils ». La première utilisation en ambulatoire de cet appareil, coordonnée par SOS médecins Bordeaux a eu lieu en 2012 et, actuellement, en France, sur 1 060 médecins SOS, 300 sont équipés ou pratiquent l’écho-
scopie.
Les principales applications de cette technique sont les thromboses veineuses profondes et les urgences abdominales. Ainsi, il devient possible de diagnostiquer au lit du malade un hydrocholécyste, une phlébite, une appendicite inflammatoire et nécrotique, un abcès appendiculaire. Cette méthode peut aussi s’appliquer à d’autres organes, comme le poumon, où l’on peut par exemple diagnostiquer une condensation alvéolaire, et le rein où le diagnostic d’une lithiase responsable d’une colique néphrétique peut être porté.
Ce dispositif, maintenant réduit à la taille d’un téléphone portable, a, d’après le Dr Athouel, une qualité d’image remarquable et est facile à transporter. En revanche, il faut noter qu’il s’agit d’un acte pour l’instant non coté, bien que des demandes aient été faites en ce sens auprès des autorités de tutelle.
Sur le plan médical, cet outil offre différents avantages, notamment un diagnostic immédiat et performant, une amélioration de l’orientation du patient et de la qualité des soins, tout « en ne prenant pas la place du radiologue », précise Michel Athouel. Last but not least, c’est un vecteur d’économies de santé, puisqu’il diminue le nombre de patients adressé aux urgences en affinant les diagnostics. Selon une étude présentée pendant le congrès, 89 % des participants utilisateurs estiment que l’échoscopie a permis d’affiner ou d’éliminer le diagnostic évoqué cliniquement.
Selon le Dr Athouel, il s’agit donc d’une technique qui a amplement montré son utilité en ambulatoire, un véritable « stéthoscope de l’urgence » du futur.
Des clics pour aider la décision médicale
Autres promesses de la technologie : avec l’informatisation des cabinets, l’ordinateur s’impose comme un vrai allié du praticien dans ses décisions médicales.
En Finlande, un algorithme qui croise recos et données du patient En pointe dans ce domaine, la Finlande dispose d’ores et déjà d’un outil sophistiqué. La démonstration qu’en a faite le Dr Ilkka Kunnamo lors du congrès n’a pas laissé les praticiens français indifférents. Baptisé « EBMeDS », ce système croise, grâce à un logiciel adapté, les caractéristiques médicales du patient enregistrées dans un dossier informatisé standardisé avec une base de données EBM conçue spécifiquement pour la médecine générale. Avec, à la clé, des propositions personnalisées quant à la conduite à tenir à un instant T en fonction du tableau clinique et des caractéristiques du patient (insuffisance rénale, grossesse, etc.), quant aux interactions médicamenteuses à surveiller, aux traitements à réévaluer, etc. Par rapport à cela, « la France a 20 ans de retard », déplore le Pr Hector Falcoff (SFTG, Paris) qui travaille avec d’autres généralistes chercheurs à un projet un peu dans le même esprit.
« Antibioclic », pour une antibiothérapie raisonnée En attendant, plusieurs outils informatiques d’aide à la décision médicale centrés sur un thème spécifique sont déjà disponibles. Exemple du genre, le site Antibioclic offre depuis 2011 un outil d’aide à la décision thérapeutique en antibiothérapie pour la plupart des maladies infectieuses rencontrées au quotidien. Indépendant, approuvé par la SPILF et régulièrement mis à jour, il est disponible en accès libre et est actuellement sollicité
4 000 à 4 500 fois/jour. Avec un impact plutôt favorable sur les prescriptions, selon le bilan dressé par le Dr Chiara Maj. Cette chercheuse a décrit le profil et le ressenti des utilisateurs. 1 344 visiteurs ont accepté de renseigner le questionnaire durant l’été 2014. 88,7 % étaient médecins (dont 97 % de MG), 9,9 % internes en médecine ; on retrouvait aussi quelques sages-femmes et pharmaciens. Parmi les médecins, 53 % utilisent Antibioclic « quand ils ne savent pas », 78 % « quand ils ont un doute », 47 % « quand ils savent que les recommandations ont changé » ; pour 34 % d’entre eux, il s’agit d’un réflexe systématique ! Presque tous font leur recherche avant la prescription, en présence du patient, montrant bien que le site répond à son objectif de modifier les prescriptions : 90 % des prescriptions des utilisateurs sont in fine conformes aux recommandations. Pour plus de 90 % d’entre eux, l’utilisation d’Antibioclic n’allonge pas le temps de consultation… alors que les non-utilisateurs évoquent un manque de temps !
« Gestaclic », un site pour suivre les grossesses sans angoisse Autre domaine, autre « clic ». Mis en ligne début 2014, le site Gestaclic est, pour sa part, un site conçu pour le suivi des grossesses à bas risque en médecine générale. Reprenant les préconisations de la HAS, il est indépendant et recommandé par le CNGOF. Ses « créatrices », les Dr Julie Bercherie et Awatef Ben Hamouda, en font un bilan à 2 ans. Le site est l’objet d’environ 250 sessions quotidiennes avec 61 % d’utilisateurs récurrents.
La page « première consultation » est la plus consultée, suivie du calendrier gestationnel, de la visite préconceptionnelle et des fiches conseils. Les limites pointées par les utilisateurs sont le contenu dense, parfois chronophage ; l’absence d’enregistrement des données recueillies ; le développement limité de la consultation postnatale. Une mise à jour importante va avoir lieu en 2016, reprenant les changements quant aux sérologies des hépatites (une sérologie VHB complète et VHC est maintenant proposée lors de la première consultation car l’AgHBs du 6e mois était oublié chez 70 % des femmes…), le développement de la consultation postnatale, des fiches conseils sur l’allaitement, les pathologies gravidiques et du post-partum. Une aide à la prescription (contraception du post-partum, rééducation périnéale…) va être proposée, et le contenu de la consultation pourra enfin être imprimé ou intégré au logiciel métier par simple copier-coller. Se pose la question de la pérennité du site et de son financement – les fondatrices ayant investi sur leurs fonds propres pendant leur internat…-
Les généralistes pionniers en gynécologie
Au delà du suivi des grossesses, compte tenu de la pénurie de gynécologues, les généralistes sont de plus en plus amenés à s’investir en gynécologie. Ils le font et de façon parfois innovante comme en témoignent plusieurs communications du congrès.
Pose de DIU : la « méthode torpille » Le Dr Lori Savignac-Krikorian, qui exerce en centre de santé et de planification familiale, a étudié une méthode « non conventionnelle » de pose de dispositifs intra-utérins (DIU) : la méthode directe ou « méthode torpille ».
15 praticiens (généralistes, gynécologues, sages-femmes) qui utilisent cette technique ont été interrogés. Ils rapportent l’avoir découverte via des blogs, par compagnonnage, dans le livre de Martin Winkler, ou l’avoir « inventée » pour deux d’entre eux ! Concrètement, le tube inserteur n’est introduit que jusqu’à l’orifice interne du col, puis seul le DIU pénètre dans la cavité utérine. La patiente est installée de manière traditionnelle, ou bien en décubitus latéral, ou bien dans la position du lotus. La pince de Pozzi n’est jamais utilisée en première intention (sauf en cas de col fuyant) ; quant à l’hystéromètre, il n’est quasi jamais utilisé pour sa fonction première mais permet éventuellement de vérifier que l’orifice interne n’est pas spasmé et de se familiariser avec l’axe du col.
Globalement, les praticiens jugent cette méthode plus simple, plus rapide, nécessitant moins de matériel et de gestes. Ils déclarent ressentir très nettement une impression de sécurité, moins de douleur chez leurs patientes et aussi moins d’échecs. Des études de bonne qualité sont nécessaires pour confirmer ces bénéfices et vérifier que cette méthode permet une activité contraceptive équivalente (a priori, l’efficacité contraceptive du DIU ne dépend pas de sa position dans la cavité utérine, sauf s’il est intracervical). Si cette méthode était scientifiquement validée, elle pourrait être enseignée et diffusée. En attendant, plus de deux tiers des poseurs de DIU à qui on enseigne la technique directe optent finalement pour elle.
L’examen gynécologique « à l’anglaise » fait des adeptes en France Toujours en gynécologie, certains généralistes se sont intéressé à l’examen gynéco en décubitus latéral (ou « à l’anglaise »), réputé plus confortable et moins gênant pour la patiente que l’examen en position gynécologique classique. Plusieurs variantes existent : soit la femme est en décubitus latéral, la jambe du dessus fléchie tandis que celle du dessous est tendue ou également fléchie, et le praticien derrière le dos de la patiente ; soit les deux jambes sont repliées avec le praticien en bout de table.
Avant de poser le spéculum, l’orifice vaginal doit être exposé en soulevant la fesse du dessus. Le Dr Anne-Sophie Botalla-Piretta, remplaçante dans l’Eure, a recueilli le point de vue de professionnels de santé utilisant cette technique (9 MG, 1 gynécologue et 2 sages-femmes) et 13 patientes examinées dans cette position. Du côté des patientes, la première réaction est la surprise, suivie d’une crainte d’avoir mal ou que l’examen soit moins efficace. Mais elles se sentent plus considérées par le fait d’avoir le choix de la position. Finalement, elles sont plus détendues, installées confortablement, disent que leur pudeur est respectée, que l’examen n’est pas douloureux. Ne pas avoir de contact visuel avec le praticien est appréciable pour certaines, un inconvénient pour d’autres.
En revanche, elles déplorent que les fesses nues soient davantage exposées. Les praticiens se déclarent quant à eux à l’aise après 4-5 examens en moyenne. Ils trouvent les patientes plus détendues, moins gênées, et sont en miroir eux-mêmes moins gênés. D’un point de vue technique, ils jugent que l’insertion est plus facile et le col mieux exposé, sauf s’il est très postérieur. Cette technique peut être utilisée pour les frottis et la pose de DIU ; pour le toucher vaginal et l’inspection de la vulve, la position classique est privilégiée. Les patientes aux antécédents d’abus sexuels pourraient être plus à l’aise avec cette approche. Mais la chercheuse met en garde : « La position ne fait pas tout ! l’attitude du praticien est essentielle ». Il sera aussi nécessaire de vérifier si la qualité des frottis fait en décubitus latéral est identique à ceux faits en position conventionnelle. Ensuite, cette approche pourrait être intégrée à la formation initiale des praticiens en se rappelant qu’elle ne convient pas à toutes les femmes et qu’il faut la proposer sans l’imposer.
Vapotage : les généralistes toujours un peu en marge
Si les MG semblent plutôt ouverts aux innovations en gynécologie, ils sont beaucoup moins aventuriers face à la cigarette électronique. Dans son travail de thèse présenté lors du congrès, le Dr Juliette Slambrouck (Lille) s’est penchée sur leurs attitudes et leurs attentes vis-à-vis du vapotage.
Un manque de formation sur la question de l’e-cigarette 12 généralistes ont été interrogés (dont deux ayant personnellement expérimenté la e-cigarette). Ces médecins déclarent mieux connaître les autres méthodes d’aide au sevrage tabagique et s’estiment peu formés sur la question de l’e-cigarette, qu’ils perçoivent comme un « moindre mal », mais restent méfiants car les études sont contradictoires et pas toujours très valides.
Selon eux, la e-cigarette aurait des avantages (efficacité rapportée par les patients, méthode peu onéreuse et en libre accès, pour laquelle la littérature semble favorable, sans risque d’entrée dans le tabagisme pour les non-fumeurs) mais aussi des inconvénients (méthode longue à la gestuelle conservée, parfois coûteuse, avec un taux de nicotine non contrôlé et un manque de recul sur les effets secondaires). Finalement, les médecins abordent peu ce sujet, s’attribuent surtout un rôle d’accompagnateurs et, par manque de connaissances, donnent des conseils limités ou renvoient vers les vendeurs, jugés mieux formés. Les attentes des médecins sont en rapport avec leurs difficultés : disposer d’études d’innocuité à long terme et acquérir des connaissances précises pour guider les patients.
Une authentique communauté de « vapoteurs » Côté utilisateurs, le Dr Cécile Gaillard a interrogé un panel diversifié de 16 vapoteurs du Puy-de-Dôme, recrutés dans des cabinets de MG, en centre de tabacologie et sur les forums Internet. Leurs motivations sont avant tout la diminution ou l’arrêt du tabac – en étant acteur de son sevrage-, puis les raisons de santé, puis le coût. Chez les plus jeunes, il peut s’agir aussi de curiosité. Parmi les avantages, on découvre aussi une authentique « communauté de vapoteurs » avec son propre vocabulaire autour de cette passion. Sur les forums, les vapoteurs se conseillent, s’entraident, partagent leur expérience, leur « cuisine ». La plupart sont attachés à cette communauté et ne souhaitent pas la quitter. Dans les inconvénients, les vapoteurs jugent l’objet volumineux, complexe à manipuler, nécessitant un apprentissage et générant des sensations différentes (moindre plaisir, moindre effet relaxant). Les craintes quant aux e-liquides (composition, accidents) et à la législation posent également problème.
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