Livres
Les films et les livres catastrophes sont tellement nombreux qu'il est probable que s'effectue un jour la conjonction entre l'inventé et la réalité ; sans compter que les écrivains et les créateurs sont souvent des visionnaires. Robin Cook avait tout pour approcher la réalité au plus près : son passé de médecin - chirurgien et ophtalmologiste - et le fait qu'il n'a cessé d'entretenir des relations très étroites avec les milieux médicaux pour se tenir au courant des avancées scientifiques les plus pointues et son expérience de dix-huit thrillers médicaux qui l'ont fait mondialement reconnaître comme l'un des maîtres du genre.
Jugés la plupart du temps distrayants, ses livres agacent parfois lorsqu'il met en cause certains comportements de confrères ou d'institutions ; mais avec « Vector » (1), il a mis dans le mille. « Les experts ne se demandent pas si un attentat à l'arme biologique sera un jour perpétré aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde, mais quand... », lit-on en quatrième de couverture du roman. Et plus encore : le fléau utilisé par les terroristes n'est rien d'autre qu'une forme rare de charbon...
Là s'arrêtent les similitudes car dans « Vector » l'initiateur du plan diabolique est un émigré russe, ancien technicien d'un complexe soviétique spécialisé dans la conception et la fabrication des armes biologiques et chauffeur de taxi new-yorkais depuis sept ans, qui veut frapper ce pays d'adoption qui l'a leurré avec ses mythes. Avant de rentrer au pays, il met au point sa vengeance avec une milice néofasciste de skinheads qui partagent sa haine du gouvernement américain.
La première victime est un marchand de tapis qui reçoit par courrier ce qu'il croit être la publicité d'une maison de nettoyage : « Jason fit sauter le sceau et instantanément la carte lui jaillit des mains en s'ouvrant. Un mécanisme sur ressort projeta en l'air de la poussière mêlée à quelques étoiles brillantes ».
Pour contrer les méchants, on retrouve les docteurs Jack Stapleton et Laurie Montgomery, ces médecins légistes qu'on avait rencontrés dans le précédent opus de Robin Cook, « Chromosome 6 ». Ce sont eux qui diagnostiquent le Bacillus anthracis et alertent les autorités sur le fait qu' « une livre de cette toxine suffirait pour éradiquer l'humanité de la surface de la terre ». Le suspense est à son comble.
Le choléra au XIXè siècle
De choléra il est encore question dans un étrange roman signé Sheri Holman, un auteur que l'on avait découvert en France en 1997 avec la traduction de son premier roman, « les Naufragés de la Terre Sainte », un véritable best-seller aux Etats-unis. « La Mort Bleue » (2) est un roman historique qui se situe au Royaume-Uni, dans la ville de Sunderland, dans les années 1830 ; mais il est écrit d'une façon tout à fait actuelle, vive et même énergique, avec des découpages et des images très cinématographiques.
Le film que déroule Sheri Holman est celui de la terreur provoquée par la maladie insidieuse, incontrôlable et irrémédiable, qui ravage d'abord les pauvres diables des quartiers les plus pauvres de cette Angleterre industrielle. De manière symbolique, l'héroïne est une très jeune fille, une allumettière qui peut faire illusion avec sa belle robe bleue qui attire les regards et les hommes auxquels elle demande quelques pennies en échange de son corps ; mais la robe ne lui appartient pas et pour la surveiller elle est suivie par une ombre blanche, une vieille femme surnommée Eye qui ne quitte jamais ce « Rat bleu » du regard.
C'est aussi la lutte que mènent certains hommes pour combattre l'épidémie, les médecins, et surtout leurs recherches encore balbutiantes, magnifiques et horribles, sur les corps à peine morts qu'ils dérobent à leurs proches ou à leurs sépultures pour les ouvrir et les taillader, au risque de leur vie.
Terrible et poétique, ce roman flamboyant se situe plus du côté de la littérature que du divertissement.
Bibtoux ripoux
Le divertissement, on y replonge avec le dernier avatar du Poulpe - cette série au héros récurrent, Gabriel Lecouvreur mais dont chaque épisode porte une signature différente - un polar aquatique écrit par Léon Layon et qui a pour titre « Toubib or not toubib » (3).
On y patauge plutôt car si l'intrigue a pour cadre le beau site du cap d'Antibes, ce que le Poulpe va découvrir, après que son attention a été attirée par la mort de deux plongeurs, n'est pas joli-joli.
Il va en effet démanteler un énorme trafic d'organes ficelé par un Russe, ancien médecin et ministre de la Défense d'URSS : sa matière première, la manne des soldats blessés dans les Etats en conflits qui bordent la mer noire et, pour les cas urgents, « il tapait carrément dans le petit personnel ».
Depuis l'îlot Saint-Ferréol où il coule une retraite dorée, le sieur Gramazanov vend les morceaux à la criée... si bien que plus de quatre-vingt chirurgiens, anesthésistes, néphrologues ophtalmologistes français, seront inculpés après le passage du redresseur de torts. Fiction, encore.
Manipulation mentale
C'est par son sens du détail dans la terreur et la tension qui se dégage de ses thrillers - qui sont publiés en trente-huit langues et vendus à deux cents millions d'exemplaires - que Dean Koontz a séduit son public.
« Mémoire truquée » (4) ne fait pas exception qui dénonce comment, dans son cabinet, un psychiatre prodige réduit ses patientes à de simples machines obéissantes et soumises.
En une inexorable progression, on assiste à la déchéance de Martie - une jeune femme tout ce qu'il y a de bien dans sa peau et qui gentiment accompagne chez le psychiatre son amie Susan qui souffre elle d'une terrible agoraphobie qui la paralyse - qui commence elle-même à être saisie d'une peur incompréhensible, la peur de soi.
Paniquée et ignorant que le thérapeute programme le comportement de ses patientes tout en truquant leur mémoire afin de garantir son impunité - car il use de son pouvoir pour abuser d'elles, et va jusqu'à pousser Susan au suicide - Martie prend rendez-vous avec lui.
Une clinique très spéciale
La manipulation des esprits est aussi au cur du roman de Laurent Botti, un nouvel auteur de frileurs qui s'est fait remarquer avec « Pleine Brume » et qui enfonce le clou de la terreur avec « la Nuit du Verseau » (5).
Laurent Botti ne lésine pas sur les effets puisqu'il ajoute aux manipulations d'une secte officiant sous le nom de Biosthal, spécialisée dans la « connaissance de soi » et ouverte à toutes les personnes fatiguées, tristes ou déprimées, la découverte de plusieurs cadavres atrocement mutilés et dont la mort est inexplicable.
Le côté poignant vient de ce que la mise en lumière des activités parallèles de la clinique viennent d'une mère qui s'y est infiltrée pour tenter de leur arracher sa fille ; mais celle-ci est-elle une victime ou l'instigatrice des meurtres ?
Dans les dédales du cerveau
Comme une fourmi affairée, puisque c'est sa saga des « Fourmis » qui l'a révélé, Bernard Werber nous donne, dans « L'Ultime secret » (6) un nouvel épisode des aventures d'Isidore et Lucrèce qui, après nous avoir conduits sur les traces du chaînon manquant dans « Père de nos pères », nous entraînent ici dans les arcanes de l'exploration du cerveau.
Ce n'est pas tellement l'étrange coïncidence qu'un homme en parfaite santé, le neuropsychiatre Samuel Fincher, décède dans les bras de sa maîtresse le soir même où il a battu le célèbre ordinateur Deep Blue IV, qui a retenu l'attention des jeunes gens ; mais qu'il soit « mort d'amour ».
Ils décident donc d'enquêter sur celui qui fut « le meilleur cerveau du monde » et vont découvrir, dans l'hôpital psychiatrique qu'il dirigeait, un véritable petit état indépendant pris en main par les malades eux-mêmes, puis l'existence d'un club, dont le médecin était membre, voué exclusivement à la recherche du plaisir sous toutes ses formes.
Quel lien y a-t-il entre intelligence, plaisir, jeu d'échecs, folie ? Bernard Werber, ancien journaliste scientifique, ne manque pas d'imagination, ni d'humour d'ailleurs, puisqu'il va offrir à ses héros de mettre en pratique le meilleur de ce qu'ils vont découvrir ; du côté du plaisir, évidemment.
(1) Editions Albin Michel, 454 p., 135 F (20,58 euros)
(2) Editions du Seuil, 381 p., 127,91 F (19,50 euros)
(3) Editions Baleine, 126 p., 39 F
(4) Editions Robert Laffont, 557 p., 148,90 F (22,70 euros)
(5) Editions Robert Laffont, 442 p., 129,22 F (19,70 euros)
(6) Editions Albin Michel, 410 p., 139 F (21,19 euros)
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