PENDANT près de dix ans, l’idée a pris la poussière dans le grenier de Bercy. Le 10 avril dernier, la décision d’assujettir les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à la TVA est réapparue sur le devant de la scène, causant chez les professionnels de santé une inquiétude qui va crescendo.
Ce jour-là, la direction générale des finances publiques (DGFiP) émet un rescrit (document fiscal) qui s’appuie sur une décision de la cour de justice des communautés européennes datée de… 2003. Seules « les prestations à finalité thérapeutique » peuvent bénéficier de l’exonération de la TVA, précise le texte. Les actes esthétiques, eux, doivent être soumis à l’impôt à 19,6 %. Ceux « pris en charge totalement ou partiellement par l’assurance-maladie » font toutefois exception à la règle. Il s’agit de « la chirurgie réparatrice » et de « certains actes de chirurgie esthétique justifiés par un risque pour la santé du patient ou liés à la reconnaissance d’un grave préjudice psychologique ou social ».
Excès de pouvoir.
Médecins esthétiques, dermatologues, chirurgiens plasticiens, chirurgiens-dentistes et ophtalmologues sont concernés par cette affaire, susceptible de procurer un joli jackpot pour l’État. L’application de la TVA provoquerait pour les médecins un sérieux manque à gagner. Si les tarifs augmentaient en conséquence, un comblement de rides pourrait passer de 300 à 360 euros, une pose de prothèses mammaires de 3 000 à 3 600 euros. Pour le Dr Gérard Rousselet, ancien président du Syndicat national des dermatologues vénéréologues (SNDV), « rien de tout cela ne tient debout. Expliquez-moi comment définir sans équivoque la limite entre médical et esthétique ! Éliminer un angiome au laser est un acte esthétique, mais si l’angiome grossit, cela ne relève-t-il pas du médical ? ».
Pour le Dr François Turmel, président de la Fédération syndicale des médecins esthétiques et anti-âge (FSMEA), c’est le rôle de l’assurance-maladie qui pose problème : « Comment peut-on prétendre que des actes de médecine et de chirurgie esthétique puissent ne pas être considérés comme des soins […] sur le seul critère du non-remboursement par l’assurance-maladie ? », s’insurge-t-il. La fédération, très remontée, envisage de déposer un recours pour excès de pouvoir et d’engager un référé contre le rescrit.
Depuis fin mai, les négociations entre Bercy et les représentants des professionnels vont bon train. Un groupe de travail a été constitué pour fixer les règles de jeu et les actes exonérés de TVA. La possibilité d’obtenir un taux de TVA réduit à 5,5 %, déjà effectif pour certains soins administrés en hospitalisation à domicile, pourrait être une piste de sortie de crise. Devant l’ampleur du chantier, « peut-être même que la TVA ne s’appliquera tout simplement pas », conclut, optimiste, le Dr Rousselet.
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