L'ART POUR TEMOIN
E n parcourant les biographies d'Honoré Daumier, on est frappé par un contraste : présenté comme quelqu'un de bon, « excellent homme », cet être apparemment agréable s'est révélé comme l'un des plus, sinon le plus, féroces caricaturistes de son époque.
Est-ce le fait de sa « robuste constitution », selon l'expression du XIXe siècle, s'il s'est attaqué aux médecins, et à la santé plus globalement, avec moins de mordant qu'aux politiques ou aux moeurs conjugales ?
Le monde médical apparaît tôt dans les caricatures de Daumier. Il dépeint une médecine d'autrefois dont on peut se demander si elle n'est pas plus proche de celle de Molière que de la nôtre. Le médecin y dissimule son incompétence, son inculture scientifique derrière son costume, marque de son autorité. Certes, l'ère des grandes découvertes approche, mais Daumier montre les confrères de cette époque sous un jour peu flatteur.
Robert Macaire, médecin caricatural
Pédant, vaniteux ou, défauts éternels, cupide, égoïste, indifférent. Ce médecin caricatural porte un nom : Robert Macaire. Personnage récurent des gravures, il porte le fardeau des menus travers de la profession et des vices de certains praticiens. Il est aussi ce qu'attend le public de Daumier, notamment celui des deux revues satiriques auxquelles il collabore : « le Charivari » et « la Caricature ».
Chirurgiens, dentistes, garde-malades ont souffert sous son crayon. Les patients aussi. A plusieurs reprises, le malade imaginaire apparaît dans son uvre. D'aucuns font un lien avec sa santé insolente. Une santé pourtant qui l'abandonne à la cinquantaine, vers 1856. Un état d'asthénie (?) lui impose le repos, pendant quelque quatre ans. Il passe peut-être près du trépas.
Cataracte
Treize ans plus tard (en 1873), il côtoie à nouveau le corps médical. Le chirurgien plus exactement, en raison d'une chute de la paupière qui trouble sa vision. Sa vue baisse à partir de cette époque. Vers la fin de sa vie, en 1878, il doit subir une intervention sur une cataracte. Quelques mois plus tard, une « attaque » marque son déclin. Il meurt en 1880.
Le XIXe siècle a assisté à l'éclosion d'un art mineur, la caricature médicale politique. Non seulement Daumier s'y engage, mais y excelle. Cette discipline, fille de la satire politique, née après la Révolution, repose sur l'intervention de la médecine dans la caricature politique. Le trouble institutionnel est symbolisé par une maladie. Par exemple, dans « Mme de la Piçonnerie, accoucheuse, jurée... », le maréchal Bugeaud, chargé de garder une prisonnière noble et enceinte, est représenté en sage-femme.
Daumier affirmait n'avoir jamais fait de croquis sur place. Il dessinait de mémoire. Croquant derrière sa table à dessin ce que son oeil avait enregistré. Quant aux sujets et aux légendes, ils lui étaient souvent fournis par des amis.
« Tableau de la caricature médicale », A. Weber, ed. Hippocrate, 1936 ; « les Gens de médecine » , Ed. Vilo 1966 et ed. M. Trinckvel, 1993.
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