Sept des vingt-six régions françaises avaient choisi, dans le cadre des états généraux du sport, de plancher sur les liens entre sport et santé, mais trois seulement ont remis leur copie au président du groupe constitué sur la question, le Pr Gérard Saillant, chef du service de chirurgie orthopédique à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière.
Le rapport le plus synthétique émane de la région Ile-de-France où vingt-quatre experts (médecins, infirmières, kinésithérapeutes, entraîneurs et sportifs) ont travaillé sous la houlette du Pr Michel Rieu, conseiller scientifique du Comité de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD). Un rapport en forme de cri d'alarme sur la situation de totale déshérence de la médecine du sport, plus particulièrement dans la région capitale.
Un état des lieux ravageur
Selon le voeu du Pr Saillant, le groupe a travaillé « à marche forcée » (« le Quotidien » du 24 septembre), en se réunissant à quatre reprises en septembre et octobre derniers pour fixer sa méthode, définir ses objectifs, dresser l'inventaire des différents acteurs impliqués dans le sujet et présenter une synthèse argumentée de ses débats.
Cette hypothèse a été formulée en présence de Jean-François Lamour, le ministre de la Jeunesse et des Sports, qui a eu droit à un état des lieux ravageur. S'agissant du suivi médical du sportif, c'est l'ensemble de la structure pyramidale qui est fissuré. A sa base, les médecins généralistes, qui ont pour mission principale la délivrance du certificat de non-contre-indication à la pratique du sport, mais qui ne disposent pas de la formation ad hoc. Un DESC devrait voir le jour à la prochaine rentrée universitaire pour remédier à cette carence. L'échelon intermédiaire, les centres médico-sportifs (CMS), au nombre de 40 ou 45, dont la répartition est « aberrante selon les départements » (entre 0 et 15, suivant les cas) ; avec une régression dramatique de leur nombre total, en chute de 50 % au cours des quinze dernières années.
Les sept plateaux techniques franciliens, qui ont pour rôle prioritaire la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, tirent leur épingle du jeu, avec le matériel sophistiqué et le niveau méthodologique plus élevé dont ils semblent disposer. En revanche, pour le sommet de la pyramide, c'est « l'effondrement » : en dix ans, le capital hospitalo-universitaire de la médecine du sport est anéanti et, à l'AP-HP, il ne reste plus qu'un service et un maître de conférences en activité (au lieu des trois services dirigés par trois professeurs assistés de sept maîtres de conférences qui fonctionnaient encore en 1990).
La situation, assure le groupe, est « préoccupante, car, outre les athlètes qui pratiquent la compétition à un niveau élevé (environ 2 200 inscrits sur la liste de haut niveau et 300 professionnels), auxquels il faut ajouter les arbitres, il existe une vaste population (masculine et féminine) de pratiquants composée d'enfants trop précocement lancés dans le cycle compétitif, d'hommes et de femmes dont l'âge est supérieur à 40 ans, de vétérans, de personnes souffrant de pathologies chroniques plus ou moins handicapantes. Pour ces populations, une exigence de surveillance médicale avertie et attentive ne peut pas actuellement être satisfaite ».
C'est d'autant plus dommageable, selon les experts franciliens, qu'après la suppression du service national et les difficultés rencontrées par la médecine scolaire, le suivi médical du sportif constitue, avec la médecine du travail, la seule possibilité d'évaluer l'état de santé d'une grande partie de la population, en particulier des jeunes.
Trois propositions principales ont dont été faites au ministre pour remédier à ces diverses carences :
- nécessité d'arrêter une procédure particulièrement rigoureuse quant à l'engagement précoce des enfants dans la spirale de la compétition et des entraînements intensifs et spécialisés ;
- développement du nombre de centres médico-sportifs prenant la forme d'espaces de promotion de la santé par le sport, en misant sur des initiatives intercommunales et des unités mobiles ;
- reconstruction d'un grand pôle régional de référence de médecine du sport auquel pourrait être associé le département médicale de l'INSEP (Institut national du sport et de l'éducation physique).
Un tel pôle, doté de chercheurs et de coordinateurs, en partenariat avec l'industrie biomédicale, l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) et le conseil régional, pourrait favoriser la relance des travaux de recherche « sport et santé ». Ceux-ci sont aujourd'hui dans la nasse, après la suppression, en 1999, des laboratoires de Cochin et de la Pitié et l'incorporation du DEA « physiologie et biomécanique de la performance motrice » au sein d'une école des neurosciences.
Jean-François Lamour, aux dires des membres du groupe de travail, s'est montré à la fois attentif aux propositions et impressionné devant la dégradation de la médecine du sport. La grand-messe de clôture des états généraux, dimanche, au centre des congrès de La Villette, permettra de voir quelles bonnes résolutions vont suivre. Après tant d'espoirs déçus.
Contre « le fléau qui tue »
Les experts franciliens ont remis une série de propositions pour combattre le dopage, « ce fléau qui tue le sport et le sportif » ; ils demandent la mise en uvre d'une politique volontariste de formation obligatoire, initiale et continue, auprès des cadres techniques, des éducateurs physiques et des professionnels de santé. Selon le Pr Rieu, « 99 % d'entre eux n'entendent rien à la question ».
Des actions déjà lancées dans le milieu scolaire ainsi qu'auprès des clubs, en association avec leurs dirigeants et les responsables des collectivités locales, doivent être développées. En particulier, il faut multiplier les séances d'information auprès des infirmières scolaires du rectorat de Paris.
Les missions de l'Antenne médicale de lutte contre le dopage (AMLD), nouvellement créée, devraient être ainsi étendues dans le monde sportif comme dans le milieu scolaire.
Concernant le développement des contrôles antidopage chez les athlètes qui ne participent pas aux compétitions nationales et internationales, les experts soulignent qu'avec une capacité totale de 8 000 prélèvements annuels, le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), seul laboratoire agréé, ne peut suffir à la tâche ; de nouveaux laboratoires sont indispensables pour assurer le suivi des compétitions au niveau local et régional.
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