PRESENTER une exposition sur la médecine au Moyen Age à la maison de Jeanne d'Arc, c'est une façon pour Marie-Véronique Clin, conservateur du musée d'Histoire de la médecine à Paris et directrice du centre Jeanne-d'Arc, de réunir en un seul lieu ses deux thèmes de prédilection et surtout, pour cette disciple de Régine Pernoud, « d'apporter sa pierre à la réhabilitation du Moyen Age ».
Les médecins de cette époque sont encore des clercs, des moines puis des chanoines voués au célibat (jusqu'en 1453). Leur savoir rassemble les théories grecques et latines (Hippocrate et Galien) avec l'apport des médecins arabes et de l'école de Salerne, en Italie. Lorsqu'il consulte, le médecin examine les urines à l'aide de l'uroscope, prend le pouls et consulte le zodiaque, chaque partie du corps correspondant à un signe. Il juge de l'harmonie des humeurs entre elles selon la théorie hippocratique. Il prescrit des régimes alimentaires, car les humeurs varient selon les saisons. La diététique est un élément fondamental de la thérapeutique, dans la mesure où l'on considère que les aliments comme les humains ont leur tempérament : chaud et humide, froid et humide, chaud et sec, froid et sec. Il faut les cuisiner en choisissant un mode de préparation à l'opposé de leur nature : huîtres asséchées à la poêle, par exemple. Deux manuels de diététique en latin font autorité : le régime de Salerne conçu comme un poème et un manuel d'hygiène, le « Tacuinum sanitatis », traduit d'un traité d'Ibn Butlan.
Le médecin prescrit des remèdes (corps simples ou préparation) qui seront préparés par l'apothicaire. Il s'appuie sur des traités dont la partie thérapeutique liste la correspondance entre les maladies et le traitement : soufre contre la gale, camphre pour les maux de tête, etc. Tout apothicaire ou herboriste se doit de posséder le « Livre des simples médecines », traité de matière médicale et de thérapeutique, adaptation en français au XIVe siècle de l'herbier de Mattheus Platearius, médecin de Salerne au XIIe siècle. On peut y adjoindre le « Thesaurus pauperum », compilation de remèdes de toutes provenances, destinés théoriquement aux soins des pauvres gens et dont l'auteur serait un médecin espagnol du XIIIe siècle. L'exposition en présente une traduction en français.
Le traitement prescrit par le médecin (purgation, saignée, cautères...) est généralement effectué par le barbier ou chirurgien « de robe courte ». Seuls les chirurgiens « de robe longue », lettrés, pratiquent les opérations importantes comme les amputations et les trépanations. A Paris, l'opposition entre les médecins et les chirurgiens, qui cherchent à s'organiser en corporations selon le modèle de la faculté, bat son plein. Mais c'est un médecin diplômé de Montpellier et s'étant perfectionné en chirurgie, Guy de Chauliac, qui rédige en 1363 un traité didactique de chirurgie qui sera utilisé jusqu'au XVIIIe siècle.
Les blessures de Jeanne.
Pendant sa courte vie (1412-1431), Jeanne d'Arc ne rencontra guère de médecin, si ce n'est dans sa prison, mais, blessée à deux reprises, par flèche au fort des Tourelles et par un trait d'arbalète à la cuisse devant Paris, elle fut soignée par des chirurgiens. Le 7 mai 1429, « on a mis sur sa blessure de l'huile d'olive et du lard », témoigne le frère Pasquerel. Dispensés par le barbier, l'huile d'olive est adoucissante et le lard aide à la cicatrisation. Mais c'est au chirurgien que revient d'ordonner un pansement préparé à base de résine ou de cire, d'huile de laurier et de poix blanche agrémentés d'œuf, de térébenthine, d'aloès ou de pavot.
Le chirurgien du Moyen Age dispose d'une trousse comprenant des pincettes, des ciseaux, un rasoir, une lancette, des gouges. L'anesthésie se pratique déjà. Des préparations à base de suc de feuilles de mandragore, d'opium, d'oseille sauvage sont concentrées dans des éponges que l'on trempe dans l'eau chaude au moment d'une opération. Le patient maintient l'éponge sur son nez et sa bouche pour en inhaler le contenu jusqu'à ce qu'il s'endorme. Il était temps décidément de réhabiliter la médecine du Moyen Age.
Maison de Jeanne-d'Arc, place de Gaulle, Orléans. Tél. 02.38.79.24.92. Ouvert du mardi au dimanche (sauf jours fériés) de 13 h 30 à 18 h .
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