François Dagognet observait qu'avec le De humanis Corporis Fabrica de Vésale avait commencé la longue marche vers la conquête de l'intériorité. D'abord macroscopique et fonctionnelle, l'anatomie devint microscopique et pathologique. Le progrès technique accompagnait cette marche : la médecine, de clinique, devint expérimentale, avec les succès que l'on sait. Ainsi, le chemin jusqu'à la cellule devait conduire au gène. En juin 2000, une nouvelle étape a de nouveau été franchie grâce au décryptage du génome. Riche de promesses, elle soulève néanmoins des interrogations quant à l'organisation de la recherche future. La description anatomique du génome achevée, son anatomie fonctionnelle est encore à élucider. Le développement de l'outil informatique et celui des technologies de l'information ont été décisifs en ce domaine. La bio-informatique qui s'intéresse à la génomique et à la protéomique (séquençage systématique, structure protéique, facteurs de transcription, régulation de l'expression) a permis l'accumulation d'un grand nombre de données. Il reste à les organiser et à en assurer l'interopérabilité.
Le lien entre données cliniques et génomiques
« Le grand défi est de faire le lien entre les données cliniques et les données génomiques. Il faut arriver à traduire les données cliniques pour les utiliser dans la recherche génétique et, inversement, traduire les données génomiques pour les utiliser en clinique », a affirmé le Pr Georges De Moor (université de Gand), un des initiateurs de la conférence organisée à Bruxelles. Quelque 400 experts de différents domaines - médecine, biologie, informatique, industrie pharmaceutique - ont été réunis sur le thème : « Synergie entre les recherches en informatique médicale, bio-informatique et neuro-informatique. » En effet, la Commission, qui entend tenir compte des évolutions actuelles, a décidé d'orienter l'action communautaire autour de deux axes : la multidisciplinarité et la coordination. Des 17,5 milliards d'euros prévus dans le budget, 3,6 ont été attribués au cadre programme IST (Information Society Technology) pour la technologie de l'information et de la communication, et 400 millions devraient être alloués au programme « génomique et santé », ces deux programmes constituant les priorités de ce plan.
Trouver un langage commun
Il s'agit d'accélérer les échanges entre disciplines et de favoriser le dialogue entre les différentes équipes de recherche. Pour ce faire, un langage commun devra être trouvé. Ainsi, des spécialistes seront consultés dans chaque discipline et leurs propositions seront consignées dans un Livre blanc à paraître d'ici à la fin de 2002. Les experts semblent tous d'accord : « Nous sommes à l'aube d'un nouveau paradigme. » L'intégration des informations moléculaires, physiologiques, cliniques et environnementales rend possible une nouvelle médecine plus individualisée, prédictive et préventive, avec des thérapies préventives et curatives personnalisées en fonction du profil individuel de chacun.
Préserver l'intérêt des patients
Mais, ont rappelé certains d'intervenants, il faut préserver l'intérêt du patient. « Il faut se poser la question du besoin des patients, parce que ce qui est bon pour la science, pour l'industrie pharmaceutique, n'est pas forcément bon pour le patient. Les patients ne veulent pas être des cyberpatients et les médecins des Frankenstein. Il faut se poser la question de l'utilité pour les patients et pour la société », a en particulier affirmé le Pr Alain Pompidou (faculté de médecine, Cochin - Port-Royal) qui a participé à la préparation du programme IST. Une telle évolution ne manquera pas en effet de soulever des questions éthiques. L'une d'entre elles réside dans la capacité à préserver l'information médicale contre toute exploitation abusive. Les techniques de cryptologie ne doivent pas empêcher l'utilisation des données, ni la remontée aux collatéraux. L'anonymisation et la pseudonymisation (1) sont les solutions proposées.
Conférence « Synergie entre les recherches en informatique médicale, bio-informatique et neuro-informatique », Bruxelles.
(1) Anonymisation : l'information médicale est totalement anonyme, elle n'est liée à aucun identifiant. Ce procédé est totalement sûr, mais pose des problèmes dans l'utilisation des données car toute remontée est impossible.
Pseudonymisation : les données sont liées à un pseudonyme. Une procédure adéquate permet à la fois de protéger l'information et de permettre si nécessaire de l'identifier et de remonter aux collatéraux.
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