Comme pour emboîter le pas au médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, qui, dans son premier rapport, a fait état le 12 janvier, de quelque 500 plaintes ayant trait à de la maltraitance hospitalière, la Haute Autorité de santé (HAS) vient de rendre public un rapport de 2008 sur le même sujet. Réalisée par le cabinet C.Compagnon.conseil, cette étude qualitative relève elle aussi de nombreuses situations qui engendrent de la maltraitance. « La médecine moderne est devenue de plus en plus technique et de moins en moins humaine, a indiqué en préambule le président de la HAS Laurent Degos. Aussi, aujourd’hui, on accorde plus d’importance au respect de la personne humaine. Les marques de familiarité des personnels hospitaliers envers les patients sont moins bien acceptées. » De fait, a contrario du rapport du médiateur de la République, les cas de maltraitance étudiés ne concernent guère que les patients et les proches. « Nous nous intéressons à ces problèmes depuis trois ans, ajoute Anne Depaigne-Loth, en charge du dossier maltraitance à la HAS. Et nous constatons beaucoup de manquements graves. » Pour établir ces manquements, les auteurs du rapport, Claire Compagnon et Véronique Ghadi ont adopté une approche méthodologique fondée sur l’étude d’une soixantaine de documents écrits, de témoignages, d’un déplacement dans les hôpitaux, et d’une quinzaine d’entretiens menés avec des professionnels de santé. « Nous avons noté deux catégories de maltraitance : celles liées aux comportements individuels des professionnels de santé, et celles afférentes à l’organisation de l’hôpital, éclaire Claire Compagnon. Les praticiens souvent font du patient un objet. Le savoir profane du patient n’est pas pris en compte. » Il faut ajouter à cela la pression psychologique exercée sur les proches du patient, qui s’apparente à de la culpabilisation. Quant à l’organisation de l’hôpital, elle engendre de mauvais traitements en participant à de mauvaises conditions d’accueil. Autre déconvenue : l’organisation hospitalière prime sur le patient, dont la sortie est insuffisamment préparée. La prise en charge de la douleur fait aussi défaut : « Il arrive que les soignants nient la douleur des patients, voire réalisent des soins avec violence : il nous a par exemple été rapporté le cas d’un myélogramme réalisé sans anesthésie en oncopédiatrie », explique Claire Compagnon.
Dignité humaine
La maltraitance est aussi question de non-respect de la dignité humaine : manque d’hygiène, dénudement du patient, etc. L’on rencontre ces phénomènes, essentiellement dans les services d’urgence, de réanimation, en soins palliatifs. « Il faut aussi prendre en compte un phénomène culturel, ajoute Claire Compagnon, qui est l’importance prise par l’information dans nos sociétés. Or, les soignants n’ont pas pris la mesure de cette révolution, et peinent à informer comme il se doit les patients. » Confrontés à ces plaintes, les professionnels interrogés ne les ont pas niées. Tout en faisant part de leur propre ressenti douloureux, qui explique aussi, en partie, la maltraitance exercée sur les patients. « L’encadrement ne prend pas suffisamment en compte la souffrance. Les professionnels de santé ne sont pas non plus formés à la thématique de la maltraitance. Enfin, la standardisation des soins, leur protocolisation, rendent secondaire le patient. Il faut réapprendre à prendre soin. » Last but not least : les soignants invoquent également le manque de personnels pour justifier l’existence de sévices. « Mais ceci n’explique pas tout, s’est opposé Laurent Degos. La maltraitance n’est pas uniquement due à un problème de manque de personnels. » Abondant dans son sens, Claire Compagnon a relaté d’autres problèmes de négligence, sans rapport avec les retraits de personnels actuellement en cours. « Le problème de la mauvaise nourriture à l’hôpital par exemple, qui peut s’apparenter à une forme de maltraitance, est connu depuis au moins quinze ans. »
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